Portishead-Third
De là à dire que j'angoissais, le mot serait trop fort, mais c'est vrai que je le redoutais ce nouvel album de Portishead, 10 ans après le live un peu trop pompier de New York, qui semblait tirer un trait définitif sur la bande son d'une époque. La preuve, Gibbons était même allé jusqu'à faire un mauvais album avec le benêt de Talk-Talk. Où va se nicher le désespoir...
Cette époque, celle du un grand melting-pop entre le rock, le Hip-hop, le jazz et la soul dont les thuriféraires se nommaient Massive Attack, Herbaliser, Portishead, Neneh Cherry, Gilles Peterson ou Roni Size -et j'exagère à dessein- a quand même méchamment fait avancer les idées, c'est la magie des époques poreuses, comme entre la Pop et le jazz en 1967.
Portishead, à qui les marchands d'étiquettes avaient trouvé "trip-hop" pour les gominés de la pop anglaise puisse accepter le scratch étaient sans doute à cette époque les plus inventifs. Ce sont eux qui, sans doute s'aventuraient le plus loin, tant dans la sculpture de l'atmosphère que dans la sensuelle mélancolie de ses textes et de la voix de leur diva, la sublime Beth Gibbons.
L'erreur eût été de faire un disque à la nostalgie ouaté, qui aurait rappelé l'époque où j'avais des cheveux, mais fort heureusement, le groupe, qui a toujours refusé cette terminologie débile du Trip-Hop a su évoluer -évoluer, vous savez, le trucs que les Stones ont perdu depuis 50 ans...- vers une musique plus crue, plus acide, plus nerveuse, plus mature.
Plus vieille, dans le sens du bon vin.
L'ambiance éthérée et dépressive est toujours là, fidèle, mais elle s'accapare plus que jamais d'une électro vrillante, perforante, presque paradoxalement organique : on a la quintessence de tout cela dans les deux morceaux les plus intéressants de l'album "We carry on" et "Machine Gun"
Third est un album des retrouvailles. Pas des retrouvailles ou l'on singe l'époque ou l'on s'est quitté, mais celles qui perdure sans se voir.
Avec la musique de Portishead, on s'était quitté la veille...