Liberation Music Orchestra
A bien y réfléchir, il y a tout dans ce disque : le rôle de la musique, l'espoir, la nostalgie, le credo, l'improvisation commune, le souvenir... Et si on creusait un peu, une magnifique argumentation pour le sujet bateau de devoir sur table en philo au bac : la fonction de l'artiste...
C'est au mitan de la décennie musicale dorée, 65-75, en 1969 plus précisément, que le contrebassiste Charlie Haden, héraut de la gauche américaine de l'époque, ami des Black Panthers très représentés sur ce disque, fait aboutir ce projet émouvant à plus d'un titre, avec la pianiste Carla Bley, dont la touche dans cet album n'est pas anecdotique et dont on reconnait chacun des parti-pris, et surtout des morceaux "intercalaires", courts slapsticks réjouissants... Pour une réussite totale !
Le premier disque, éponyme, de LMO concerne la Guerre Civile Espagnol de 36, et le contexte politique -guerre au Vietnam- est très présent dans chacun des morceaux empruntés aux chants républicains des Brigades Internationales. Après une entrée en matière très martiale, marquée dès les premières notes par les travaux de Haden avec Ornette Coleman, la présence de Don Cherry en atteste.
Et puis on rentre dans le vif du sujet avec un morceau de 20 minutes enchainant trois chants révolutionnaires ou le creuset de la Révolte et du Souvenir, éclot du chaos des improvisations radicales et foncièrement belle. C'est le feulement de la liberté qui passe à travers ces notes, jusqu'aux affres de la défaite, de cette injustice lourde de sens dans l'archet d'Haden. Gato Barbieri et Dewey Redman, les deux saxs de cet orchestre ajoutant à la déchirure. Cette imagerie de la guerre, ajouté à des samples -oui, en 1969- de ces chants d'époque reste une formidable expression de l'horreur et de l'espoir... La seule peut être à ce niveau.
Le reste de l'album est du même acabit, alternant douceur et violence, mais ce morceau est à lui seul un monument, qui ne peut cependant pas se départir du reste de l'album.
Car on est frappé avant tout de la modernité de cet album, de sa capacité à passer les décennies sans une ride et avec toujours la même puissance...
Quand le cœur parle, la musique n'a pas d'âge ?
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...