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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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4 mai 2012

Albert Ayler - Stockholm, Berlin 1966

La carrière du saxophoniste Albert Ayler fut si brève et fulgurante, à l'image de son jeu tonitruant, que chaque nouvel enregistrement est un événement, un moment suspendu, une pièce historique. Les amateurs connaissent tout de son histoire, jusqu'à ce concert cathartique de l'été 70 à St Paul de Vence qui se doit d'être dans toutes les discothèques respectables.

Il ne s'agit pas là de faire l'énième analyse du jeu d'Ayler, son rapport à la musique et sa propension à être aussi entier que le son plein, gargantuesque, de son ténor. Il serait inutile également de revenir sur son parcours, cette volonté qu'il a toujours eu de faire converger -en avance sur tous et de manière incomprise- le Free-Jazz le plus radical et la musique populaire par le biais le plus direct : le mélange sans apprêt. Il s'agit avant tout de se réjouir de la sortie d'un double concert sur le label Hat-Hut, toujour à la pointe de cette musique.
Certes, Stockholm, Berlin 1966 ne nous fait pas découvrir une nouvelle facette d'Ayler ni ne révolutionne le genre. On avait déjà eu l'occasion d'entendre sur le label Suisse un « Lörrach, Paris 1966 » qui présentait le quintet d'Ayler avec plus ou moins la même playlist.
Ici, Hat-Hut nous fait juste partager deux concerts méconnus de la célèbre tournée européenne de 1966, qui circulait plus ou moins en bootleg. La version est cependant remasterisée, rendant notamment justice au violon du néerlandais Michel Samson et surtout à la batterie de Beaver Harris. C'est heureux pour ce dernier sur le morceau « Omega (is the Alpha) » enregistré à Stockholm, où il explose littéralement sous les coups de boutoir du saxophoniste et de son frère Donald à la trompette.
Malgré l'orchestre et les morceaux quasiment identiques, ces deux concerts, captés à une semaine de différence offre une atmosphère différente. Bien sur, on retrouve les marches et les airs populaires avortés qui s'accrochent dans le flot heurté de notes et d'idées charrié par le quintet, mais on découvre un concert suédois plus apaisé, où Albert Ayler apparaît lyrique et lumineux, comme dans le beau « Our Prayer - Bells » où Michael Samson se fait bâtisseur. A ses côtés, le contrebassiste William Follwell, développe un jeu, très contemporain qui donne une couleur différente à l'ensemble, lézardant à lui seul les factices frontières du jazz, au sens strict.
Le concert de Berlin est quant à lui plus frontal, débordant d'énergie. Le morceau inaugural, « Truth Is Marching In », plus court que l'autre concert, est l'occasion de mesurer la puissance collective du quintet et cette capacité à le transmuter en une large fanfare inexorable (« Our Prayer – Truth Is Marching In » également). Cette captation se termine dans un morceau absolument fantastique, « Ghosts-Bells », qui donne envie de réécouter toute la discographie du grand ténor. Tout commence par jeu de chat et de souris entre les soufflants et le violon, avant que les frères Ayler semblent partir dans une autre direction. Un schéma qui se répétera sur toutes les variations avant que les cordes de la basse viennent se mêler à la chose et ne s'enferrent dans un flot grossissant, jusqu'à exploser sous d'autres formes plus heurtées...
Un indispensable pour quiconque place Ayler dans son cœur. Ou ses tripes, c'est selon.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

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