Jamais je ne dirai qu'entre la FNAC et moi, ce fut longtemps une histoire d'amour.
Il me faudrait accepter pour cela l'idée que s'enticher d'une marque est possible. Or, cela tient de l'impossible. Qu'ils me dépriment ces réseaux sociaux où l'on "aiment" les marques qui empoisonnent le quotidien de vitrines bariolées et de messages ineptes ! Nulle déception plus grande que de découvrir telle ou telle personne de grande valeur, cultivée et pleine d'humour, séduisante même, qui "aime" Brico-Dépôt ou la Creusoise de robinetterie.
Moyennement concerné par le besoin de vivre une "expérience shopping", comme on l'écrit fièrement sur la porte du mall non loin de mon travail, je suis rétif...
Pourtant, lorsque je suis arrivé sur Rouen, remplit d'illusion et de soif de découverte, tel l'oiseau à peine sorti du nid qui s'émerveille de chaque insecte à picorer, j'ai dépensé plus que de raison, dilapidé mon héritage, passé du temps dans l'officine caca-d'oie où je me trouvais comme un enfant obèse dans une boulangerie de quartier.
A la radio, on courrait parfois en trépignant sur un pied le lundi à 10h, dans les frimas, pour acheter telle ou telle nouveauté, que nous ne trouvions pas toujours. Car le CD à la FNAC, comme l'âne bâté des Cévennes, il faut le savoir, met plusieurs jours pour faire les 135 km qui nous sépare de Paris.
Puis, au fur et à mesure que le rayon de disques s'amenuisait, remplacé par des stands d'écran plat et d'atomixer, on ne passa même plus pour tromper l'ennui. Un Harmonia Mundi venait d'ouvrir en ville. Lieu de stupre...
Dans le même temps, le rayon de jazz devenait un sujet d'humour, confit dans les années 80 et l'étalage de chanteuses-à-jambes. Le magasin essaya de sauver les meubles par des gesticulations grotesques. Les commandes via des vendeurs qui auraient pu aussi bien vendre des tropéziennes ou du plâtre à prise rapide se faisait sur Internet. Il donna lieu à des scènes surréalistes...
L'argument qui consiste à dire que c'est Internet, le sempiternel grand méchant des moines copistes de notre temps, qui est la cause de tout les maux est invalide. Qui a poussé les chalands à aller sur le point com ? Partant, le dit chaland a trouvé que d'autres sites gigantesques remplissaient bien mieux l'office assigné : trouver des trucs introuvables facilement sans avoir besoin d'aller à la capitale. Sans avoir besoin de passer devant le présentoir de verrines et de moule à cupcakes.
Ainsi le propriétaire actuel cherche à se séparer de la FNAC après l'avoir transformé en une sorte de Darty non assumé, qui vendrait des livres. Accuser la crise est sans doute fort aisé, mais il n'y a-t-il pas surtout une collection d'erreurs ? Tuer son chien en l'accusant d'avoir la rage ? La finance est sans doute à ce prix. Comme à celui de l'abandon de prix littéraires !
Mais au fond, tout ceux pour qui la FNAC dans une ville était un critère discriminant, l'établissement est décédé depuis longtemps.
Étouffé dans un Blender à smoothies.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...