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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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12 novembre 2014

Richard Bonnet - Warrior

Le guitariste Richard Bonnet est de ces musiciens européens qui aiment les allers-retours au dessus de l'Atlantique. Ici, on l'a vu avec Régis Huby ou ses confrères de cordes Pierre Durand ou Hasse Poulsen. Là bas, et singulièrement à New-York, on l'a entendu avec l'orgiaque saxophoniste Tony Malaby avec qui il avait enregistré un remarqué Haptein en duo que mon camarade Julien Gros-Burdet nous avait fait découvrir pour Citizen Jazz.
Cette collaboration continue aujourd'hui en quartet, une vrai formation Franco-américaine où s'ajoute le batteur Tom Rainey et le clavièriste Antonin Rayon, dont le jeu à l'orgue Hammond est immédiatement reconnaissable. Warrior, le premier album de ce quartet sorti sur le prestigieux label Marge est enregistré aux USA.
On est interpellé dès les premières notes de "Quelques choses d'étrange" par le climat très fort qui se dégage de l'ensemble. On sait le guitariste très intéressé par la texture, par le grain de chaque instrument et cette dimension est ici omniprésente : la guitare trame doucement les notes tenues de l'hammond. Rainey frotte des objets sur l'armature de ces fûts, et puis l'échange enfle à mesure que Malaby entre dans le jeu.
On sait le saxophoniste polymorphe, capable du doux et du rugueux, il a sorti ici sa pelisse la plus anguleuse. Les traits sont tortueux, acrimonieux, et dompte peu à peu ses comparses.
Dans Warrior, la nervosité est partout. Elle se contient, elle enrage, et puis elle éclate de manière sporadique. C'est d'abord dans un solo atrabilaire de Bonnet qui tangue toujours entre le blues le plus rauque et une virtuosité placide presque zappaïenne. Derrière, les basses de Rayon érode son propos : il pourrait laminer le solo, il le rend encore plus dense.
L'excellent morceau "Kala" donne la clé de Warrior. Il n'y a pas seulement l'Europe et les Etats-Unis, il y a l'électricité et le charnel qui se mélange avec appêtit. On pourrait penser qu'ils s'opposent, il se complètent comme s'unissent à merveille les contraires : la pénombre et la lumière crue ou l'acide et l'amer.
Lorsque la guitare et le ténor sont à l'unisson pour pénétrer dans les profondeurs de l'orgue, on pénètre dans une musique urbaine grouillante, étouffante souvent, mais surtout pleine de dédales et de cul-de-sac dans lequel on se perd avec un pointe d'inquiétude vite dissipée par le flux.
Si Warrior est un guerrier, c'est un guerrier urbain, solitaire, traqué, aux aguets du moindre mouvement ou du moindre frôlement. Voir ainsi la tension qui naît de "World Of Signs" lorsque le propos est tellement dense que le jeu très musical de Rainey se confond aux deux tenants de l'électricité.
Cette atmosphère doit beaucoup à la grande complicité qui unit les deux musiciens français qui bordent un propos qui pourrait sombrer dans le chaos mais qui le borde seulement. Ainsi, dans "Bonne résolution", le saxophone de Malaby déambule sur un fil tendu entre les traits lumineux de la guitare et les craquellements électriques de l'Hammond.
Le jeu de Rayon est un dispositif de tension assez voisin de ce que l'on avait pu apprècier dans Umlaut ou auprès de Marc Ducret. Néanmoins, le jeu de Bonnet est nettement plus marqué que celui deDucret par le blues qui chauffe le quartet comme une ligne continue. Warrior est un disque abouti, chaleureux et foncièrement solide qui rend très urgente la découverte de ce guitariste qui signe par ailleurs tous les morceaux.
A écouter à tout prix.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

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