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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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8 mai 2015

Matthieu Donarier Trio - Papier Jungle

Les lecteurs fidèles de ce vieux blog s'en sont sans doute rendu compte, il y a ici quelques affaires de fidélité.
Fidélité à des musiques bien sur, puisqu'on a beau prôner un éclectisme total, il y a quand même une vraie carte du Tendre qui se dessine. Fidélité à des musiciens surtout, dont les noms apparaissent dans le nuage de tags.
Parmi ceux-ci, Matthieu Donarier. Et même peut-être surtout ; parce qu'il ne le sait sans doute pas, mais il y est pour beaucoup, et son trio avec le guitariste Manu Codjia et le batteur Joe Quitzke, qui sort avec Papier Jungle leur troisième album toujours sur le label Yolk, tout autant.
L'histoire remonte à la préhistoire de Sun Ship, avant même qu'il existe, à la sortie en 2004 de OpticTopic, le premier album, que j'avais acheté par hasard dans une enseigne caca-d'oie qui s'occupait de musique à l'époque. J'étais animateur sur une radio, et ce disque fut la première chronique de jazz dans laquelle j'osais m'hasarder en public...
Autant dire que la sortie de Papier Jungle, enregistré à l'occasion des 15 ans de cette formation était attendu, ici et ailleurs.
Le trio est un habitué des anniversaires, puisque Live Forms, sorti en 2009, fêtait les 10 ans de l'orchestre.
Attendu aussi parce que cet orchestre aux nombreuses heures de vol a renouvelé en grande partie son répertoire, y mêlant des ambiances d'errance, propre à l'esthétique de Donarier lorsqu'il rencontre la guitare atmosphérique de Codjia. Ainsi, "Hobo Track #3" est un brouillard électrique que le ténor essair de dissiper à force de traits tranchants pour mieux avancer.
Nouveau, mais également absolument familier, de même que ce jeu sensible et chambriste d'un batteur connu pour ses ambiances également auprès de Gabór Gadó.
En 15 ans, la musique de ces trois amis a considérablement évolué, à l'instar des comparses de Donarier sur le label Yolk. La trajectoire de tête chercheuse est toujours là, plus que jamais, même, mais elle sait se mâtiner de retour sur des racines communes et de réinterprétation de celles-ci. Elles ne sont pas directement jazz, elles sont plus large, elles suivent le paradigme perçu dans les différents avatars du Cube d'Alban Darche, dont Matthieu est un fidèle. La musique infusent les racines de la musique écrite occidentale. 
Ce n'est d'ailleurs pas innocent que le premier morceau de l'album soit signé d'Alban Darche ; "Bleu Céleste" permet de redistribuer les cartes entre les trois sommets du triangle et de remettre Codjia dans un rôle plus musical, moins rythmicien. On est bien en peine, dans les premières mesure de déméler les timbres du ténor et de la guitare. Cela perdure, quand bien même Quitzke tente de séparer ses deux compagnons en osmose. Le bleu dont il est question, c'est celui d'une eau-forte. Sur le papier jungle où Donarier dessine, elle peut tirer vers le noir de geai.
On est toujours heureux de retrouver le guitariste dans ces ambiances fièvreuses où son propos perclus de pédales d'effet s'exprime le mieux, loin des grandes chevauchées énervées et des standards. Avec cette formation, nous sommes face à une écriture dense, nerveuse et à la fois absolument fluide. Le papier jungle de Donarier, c'est une forêt de signes, de routes, de voies, de croquis qui donnent en superposition une carte que seuls les musiciens du trio savent déchiffrer.
Racine globale et universelle, commune aux musiciens et à leur formation ; ici, cela passe par exemple par des emprunts à Liszt Ferenc et à Erik Satie. Pas des moindres, car le "Pièces Froides" de Satie qui clôt l'album est un modèle du genre, qui laisse Donarier tracer une ligne de fuite sur laquelle ses deux comparses s'agrègent, et que le saxophone quitte au fur et à mesure que la guitare s'en saisit. Au centre, Quitzke utilise toute une gamme de couleur pour éclairer l'atmosphère sombre qui domine ; celle du souvenir. Palpable dans la lugubre gondole de Liszt.
Il y a un goût pour le souvenir et la mémoire qui s'empare de l'auditeur. Un sentiment de concorde également, entre des musiciens intimes qui n'ont pas besoin de jouer en permanence ensemble pour se trouver de suite. On se plait à se perdre dans cette jungle...
Vivement les 20 ans, pour un futur moment !

En une photo qui n'a strictement rien à voir...

Plage

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