Il y a plusieurs façons d'envisager la synergie, et le Wiwex Quartet a la sienne propre. Il faut déjà la définir : il y a la notion d'accord, d'harmonie. D'unité.  Il y a aussi la notion de mouvement, d'association, de potentialisation. La multiplicité.
Entre les deux, un vaste territoire qui permet toutes les combinaisons et les mutations.
Si la formule du quartet qui s'est créé lors du festival Minnesota sur Seine de ce cher Jean Rochard en 2008 est proche de la multiplicité et de la versatilité, elle sait aussi pratiquer l'esprit de corps, celui des improvisateurs exigeant qui aime la musique qui circule de l'un à l'autre.
Le titre de ce premier album du Wiwex Quartet rend bien compte de cette démarche. Equidistant, c'est à la fois la position dans l'espace d'un orchestre très égalitaire ou chacun sait se saisir de ses responsabilités. C'est aussi la juste distance entre l'un et le multiple, entre la tentation soliste et l'effet de groupe.
Mais c'est aussi et sans doute surtout la juste distance entre deux lieux, l'Amérique et l'Europe, la France et les Etats-Unis, entre la ville d'accueil des percussionnistes Mirtha Pozzi et Pablo Cueco et celle du saxophoniste Nathan Hanson et du contrebassiste Doan Brian Roessler.
Une stricte égalité des lieux et une parité des nombres, puisque la formation a bien failli s'appeler 2+2=4, évidence de l'équation : Pozzi et Cueco forment un duo d'esprits frappeurs depuis de nombreuses années, à qui l'ont doit notamment un fondateur Percussions du Monde. Hanson et Roessler sont également à la tête d'un duo remarquable à qui l'on doit plusieurs disques.
A l'écoute du formidable "Rebounds", qui permet de retrouver le timbre puissant et tout en rondeur du saxophoniste, on comprend très vite qu'il ne s'agit pas cependant d'un rapport de force front contre front. Certes, les deux percussionnistes dialoguent ensemble, jouent à cache-cache et se complètent à merveille. Evidemment, le jeu d'archet de Roessler donne une profondeur abyssale à son collègue soufflant, mais ce qui compte, ce sont les combinaisons au gré des improvisations.
La chose n'est pas inédite pour le saxophoniste et le contrebassiste. Au sein des Fantastic Merlins, un groupe bien connu de la maison nato, ils ont eu l'habitude de dissoudre leur parole dans un orchestre plus large, avec un goût assumé pour les strates, les reliefs et les anfractuosité. Typiquement ce que l'on retrouve dans "Tiges" où la saxophone s'instille entre l'incroyable jeu d'archet et la versatilité des percussionnistes.
Pozzi et Cueco sont partout, multiplient les couleurs, les sons, agissent comme des tâchistes sur une toile et jouent avec l'épaisseur du trait pour infléchir l'atmosphère de la musique... Proches de Didier Petit, Pozzi et son comparses sont des voyageurs, des collecteurs qui vont à la rencontre de l'autre. Le morceau "Arcs", où le Berimbao de Cueco entre en résonnance de la contrebasse en est la meilleure illustration, pleine de poésie.
Bouquets de trio, duos éthérogènes, solo puissants, Wiwex sort toute la gamme des possibles. Y compris cette parole commune à quatre qui se présente avec un goût évident pour le débordement enthousiaste. C'est dans le réjouissant "Five in Valse" qu'il s'exprime avec sans doute le plus de force. les deux percussionniste bâtissent d'abord une forêt qui s'entrechoque dans laquelle leurs deux comparses déambulent sans buts. La concentration est extrême et sert une parole collective qui prend sa part d'universel.
Equidistant est un album puissant et attachant. De ceux qui font beaucoup de bien.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...