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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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11 juin 2016

Ping Machine - Easy Listening & Ubik

En 2013, le disque live de Ping Machine, le Grand Format de Frédéric Maurin avait marqué les esprits par sa fluidité et par l'écriture de son chef d'orchestre guitariste.
Une écriture complexe, qui laisse une large place au collectif et où le musicien s'efface derrière sa direction sans pour autant se fondre totalement dans la masse orchestrale. C'est un riff ici, une parole plus autoritaire là... Mais rien qui ne fait vaciller la dynamique d'ensemble, construite à 15.
Nous savions depuis longtemps que Ping Machine, pour ses dix ans souhaitait frapper un grand coup ; ce sera deux grands coups, avec deux disques qui sortent coup sur coup, enregistrés à quelques jours de différence dans les Bauer Studio en Allemagne et soutenus par le label Neuklang, qui défend depuis longtemps maintenant les musiciens de Ping.
On se souvient que Schwab et Soro ont enregistrés leur duo sur ce label, et qu'on les retrouve ici, fidèles et concentrés, pour à la fois Easy Listening... et Ubik, deux albums complémentaires et soudés mais qui peuvent s'écouter indifféremment. Ce sont bien deux albums et pas un double-album.
La notion est importante.
Ce sont deux programmes, deux couleurs, deux chemins pris par Maurin et sa bande : une version plus traditionnelle, joliment nommé Easy Listening comme un coup de pied de l'âne, et une version plus personnelle, plus contemplative et forcément en ces pages plus célébrées qui se nomme Ubik. Qui pique, donc, et porte en lui tout un monde, avec ses sons, ses mouvements, son biotope...
Il aurait pu être intéressant de séparer les deux chroniques : d'abord Easy Listening, la force de l'orchestre qui déroule avec facilité la puissance de feu, notamment sur le solide "février" débarrassé de tout frimas, où l'indispensable Stephan Caracci, que l'on retrouve sans surprise chez Radiation 10 est la pièce centrale, indispensable qui distribue avec Schwab à la contrebasse la parole à chacun.
Un Easy Listening qui démontre que l'orchestre a muri, chose que nous avions déjà pu constater lors d'un concert à la philarmonie, et qui agit sur l'auditeur comme une sorte de condensé de l'évolution des grands orchestres dans l'Hexagone. On pense à Didier Havet, tromboniste et tubiste qui a connu un certain nombre de pupitres, mais aussi des soufflants comme ce cher Quentin Ghomari (de Papanosh) ou Fabien Debellefontaine, qui sont des piliers indispensables de cet orchestre. la masse orchestrale de "Kodama" est dense, lumineuse, joliment ouvragée. En témoigne le bel échange entre la guitare de Maurin et l'alto de Jean-Michel Couchet, qui s'offrent quelques instants avant de retourner dans ce maelström très ordonné.
Mais déjà, sous Easy Listening se cache le monde d'Ubik (écoutons "Pong"), qui montre sa frimousse pleine de combinaisons timbrales et de minimalisme extrêmement travaillé. Ubik est un voyage époustouflant, mais il ne se valide qu'après avoir pris le temps d'Easy Listening.
On l'imagine dans ce sens, mais on pourrait tout aussi bien prendre à rebours. En ce cas, Easy Listening serait la descente, le retour à une taille d'homme après le passage constant de l'infiniment grand à l'infiniment petit que propose Ubik.
Le disque se compose comme une longue suite de 14 petits mouvements, parfois imperceptibles qui sont de l'orfêvrerie.
Le premier mouvement, spectral, est comme une déconstruction méthodique de l'orchestre. Il y a un noyau, et des sons qui convergent. un piano qui pile comme du verre et une accélération. Pas vraiment de pulsation, mais une flottaison, qui perdure. On est dans une sorte d'environnement liquide à observer les lumières et les remous. On traverse toutes sortes de paysages, souvent très arides, fait de quelques sons. Jamais sans doute la musique de Maurin, qu'on savait très influencé par l'écriture contemporaine occidentale et la musique électronique n'avait franchi ce pas, et avec un tel brio.
Parfois, souvent, une individualité prend la tête et malaxe la construction en cours. C'est le cas notamment du tromboniste Bastien Ballaz sur le remarquable quatrième mouvement, qui est certainement l'un des instant les plus épatants de cet album. Le travail d'architecte de Maurin sur cet album est intense, et dépasse de loin tout ce qu'on avait pu entendre jusqu'à lors de Ping Machine.
S'il y avait encore un doute sur la richesse du Grand Format en France (déjà, ce serait pas sur ce blog !), Ping Machine interromprait tout débat et Tous Dehors aussi).
Les quinze musiciens de l'orchestre nous offrent un moment fort de l'année 2016.

06-Ping

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