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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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16 août 2016

Madeleine & Salomon - A Woman's Journey

Il y a parfois des disques qui vous tombent dessus sans raison, joie des envois presse. Ca arrive de moins en moins souvent, à mesure que les projets et leur développement sont connus en amont... Mais parfois, certains affleurent la zone de confort : a priori, non, mais soudain, grand oui. C'est le cas de ce Woman's Journey, duo piano/voix par deux musiciens qu'on attendait pas ; du moins, pas là, pas comme ça, pas ici.
Pas avec cette force belle et tranquille et tout cas, qui renverse toute forme de doute.
Oui, ici, on préfère d'habitude quand la chanson ferme sa gueule, ou bien il faut que ça emporte absolument. Ce chant ne peut se taire.
On ne sait pas qui sont vraiment madeleine et Salomon. Enfin si, on sait, ce sont la chanteuse Clotilde Rullaud et le pianiste Alexandre Saada. Mais Madeleine et Salomon ? J'ai décidé dans mon coin que c'étaient les deux gamins de Melocoton, dans le jardin de Colette Magny.
Parce que c'est la grande absente de ce disque, même si elle semble plus présente que jamais dans cette flânerie dans la musique populaire et le rythm'n'blues où se croisent Mimi Farina et son « Swallow Song » sépulcral et un « Strange Fruit » presque immobile et glaçant. Une autre manquante traîne son esprit, de ci de là. Jeanne Lee.
Mais quelque chose nous dit qu'elle n'est guère loin.
Sur le morceau de Billie Holiday, la chanteuse se tient droite, compactant tous ses registres vocaux qu'on croirait infini dans une puissance intérieure, ou du moins intériorisée par un piano préparé étouffé, laissant le silence jouer son air funèbre. On croyait que ce morceau avait tout dit, mais le duo y trouve encore quelques atomes d'émotions, qui peuvent monter aux larmes, si on y prend garde.
Parce qu'à tous les instants de sa voix si troublante, Clotilde Rullaud nous intime de lui prendre la main, dans ce voyage d'une femme dans le cœur des femmes, ou plutôt dans leur voix et leur colère. Une colère froide et nue, mais jamais sèche. Une colère qui choisi l'économie de geste et de puissance, mais pas de parole. En témoigne le « Four Womens » de Nina Simone ou le piano de Saada cherche dans l'économie de note une ligne claire, un trait droit qui trace sa route. On l'a vu avec De Chassy, Maxime Saada. on ne s'en étonnera guère.
Il y a plusieurs morceaux de Nina Simone, mais c'est sans doute celui-ci qui fini de nous faire aimer cet album à l'esthétique intimement politique qui nous fait entrer dans ce voyage sans se poser plus de question.
Parce qu'évidemment qu'on la prend, cette main de Clotilde Rullaud. Peu de voix, dans la période, peuvent se targuer de charrier autant d'émotion ; Elise Caron sans doute.
Clotilde partage avec elle la flûte, dont elle use dans de courts intermèdes improvisés, mais aussi cette technique qui emprunte aux canons de la musique ancienne ("Image"), au Sprechgesang (« The End of Silence », intelligemment mêlé au Mercedes Benz de Janis Joplin), et à certaines traditions balkaniques (« All The Pretty Horses », qu'on croirait parfois droite sortie d'un orchestre Sevdah...). On songera aux Elles, aussi, par petites touches. Naturellement, sera-t-on tenté de dire.
Les choix sont toujours idéaux entre jazz et musique pop, jamais très loin des hymnes de lutte. On citera "No Government", que ma camarade Raphaëlle a très bien défini dans sa chronique pour Citizen Jazz. Mais c'est la présence de Minnie Ripperton et son magnifique "Les Fleurs" qui réjouit. Ripperton, trop souvent délaissé. Clotilde Rullaud lui offre un bel écrin, électrisé par Saada, toujours juste
C'est phénoménal ce que la chanteuse, qu'on avait pu découvrir en duo avec le guitariste Hugo Lippi, transforme sa voix au gré du voyage comme pour briser ses chaînes. On est sous le charme d'un disque qui est de ceux qu'on écoutera encore dans tant d'année...
Instant Classic, dit on.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

21-Errance-Besançon

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