Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
Derniers commentaires
Newsletter
30 abonnés
Archives
3 décembre 2016

Halvorson / Delbecq / Ho Bynum / Fujiwara - Illegal Crows

L'excitation qui a précédé l'écoute de Illegal Crowns tenait comme toujours au plaisir presque enfantin de voir se raccrocher les wagons.
D'entendre des musiciens panthéonisés sur le présent clavier se retrouver ensemble.
Non que ce fut étonnant : retrouver Benoît Delbecq avec les trois musiciens américains « braxtonniens » que sont Taylor Ho Bynum, Tomas Fujiwara et bien entendu Mary Halvorson est presque naturel, et propice à une certaine jubilation. Même si ce 18 mai 2014, soit quelques jours après le concert à Tours de Braxton, le quartet joutait pour la première fois, les sphères sont poreuses depuis bien longtemps.
Et que le résultat, où finesse et ouvrage sont partout, est à la hauteur des attentes.
Oui, cette rencontre est naturelle. En témoigne les collaborations anciennes de Delbecq avec John Hébert, le contrebassiste des orchestres de la guitariste, ou encore avec Gerry Hemingway, qui s'il n'a jamais joué avec Halvorson et les autres est ce lien organique avec l'univers braxtonnien.
Ce n'est pas étonnant, d'ailleurs que le pianiste féru de constructions mathématiques soit si proche de cette musique ; mais peut être ne l'avait-il jamais été tant que dans cette improvisation farouche, dense, multiple, que nous propose les trois solistes dans six morceau remarquable de durées diverses.
On en viendrait presque à rêver de quelque chose entre eux-deux. Non ?
Le foisonnement incroyable des architectures éphémères éclate dans « Thoby's Sister », signé de Ho Bynum. Les pôles qui apparaissent au gré du morceau sont d'une solidité qui ne se dément pas : la guitare d'Halvorson, plus acéré que jamais est l'aiguille qui vient tresser des passementeries subtiles, complexes mais sans brisures. La chaleur et l'explosion de la forme reviennent à la paire Ho Bynum/Fujiwara, constamment sur la brêche : le trompettiste est aux aguets, il s'intercale sans cesse dans un motif que le batteur surligne tout en répondant coup pour coup aux perspectives tracées par l'embouchure.
Ce qui se joue sur ce disque fonctionne parfois à front renversé, à la guitare et au piano la structuration, à la batterie accompagnée de trompette, l'enluminure.
Ce n'est pas la première fois qu'on note la proximité entre Ho Bynum et Fujiwara. C'était déjà le cas dans Navigation. Avec Halvorson, ils ont tant de tournées et de formations au compteur qu'il y a comme une télépathie naturelle, qui apparaît ici avec décontraction. Tous les deux ont cette forme de puissance sans acrimonie qui propulse dans bousculer, avec un naturel désarmant (« Holograms »).
On pouvait s'attendre à ce que la triplette Fujiwara/Halvorson/Ho Bynum se trouve sans difficulté, et avec un complicité qui fait le bonheur de « Solar Mail », morceau halvorsonien en diable. Il débute avec ces cycles caractéristiques qui se rapprochent jusqu'à se caler sur un même débit et s'éloigner de nouveau ; il y a une style Halvorson, on ne cesse de le dire. Il est ici entièrement concentré dans ce morceau.
Delbecq est souvent sur le même pas que la guitariste. Après tout, si l'on y prend garde, et c'est le cas avec « Colle et Acrylique », un morceau que Delbecq avait déjà enregistré en trio dans Ink, les deux improvisateurs ont des points communs insensés : même capacité à jouer simple tout en triturant le son de leur instrument, même goût pour les traits rapides, soudains, piquants.
Sur l'incroyable « Wry Tulips », leur entente est telle qu'ils posent comme des banderilles sur un taureau en furie.
La musique d'Illegal Crowns, belle parution de RogueArt qui frappe fort en cette fin d'année, devient alors plus agressive sans pour autant jouer la confrontation.
C'est la force de ce quartet, foncièrement libertaire : chaque individualité a la responsabilité du collectif. Il en résulte un jeu de construction époustouflant et excitant qui assume chaque direction. Le cap est fixé jusque dans l'indécision. Implacable : nous avons ici quatre musiciens au delà des superlatifs. Les couronnes illégales sont pourtant sans équivoque, elle sont ajustées à ces têtes bien faites.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

18-BXL-Taxi

Commentaires