Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
Derniers commentaires
Newsletter
30 abonnés
Archives
1 septembre 2018

Marjolaine Reymond - Demeter No Access

Ceux qui suivent ce blog depuis longtemps, nonobstant mon absence de quelques mois, le savent, je ne suis pas très chanson. Il y a des exceptions, pour sûr, et de bien belles encore, mais elles sont ce qu'elles représentent : de brillantes exceptions qui mettent en émoi les certitudes.
Jusqu'à lors, dans ces exceptions, il n'y avait pas Marjolaine Reymond. Que ce soit clair : les chanteuses de jazz, aussi virtuoses et talentueuses soient elles ne m'émeuvent pas en général. Ce qui ne veut pas dire que j'estime que c'est pourri.
Enfin cessons de nous justifier pour aller à l'essentiel : Demeter No Access, l'album de la chanteuse paru au printemps chez Cristal Records allait passer dans la catégorie des écoutes polies, jusqu'à ce que le saxophone alto de Denis Guivarc'h s'agace de mon indécision sur "Le Bestiaire : Le tigre d'Anabelle".
Il faut dire que ça tergiversait : rythmique impeccable de Christophe Lavergne, basse particulièrement véloce d'Olivier Lété... Non contente de bien chanter, l'inclassable Marjolaine savait particulièrement bien s'entourer. Bruno Angelini aux claviers valide d'ailleurs ce sentiment en complétant un quintet agile et lumineux. Lorsque le Rhodes est de sortie et s'amourrache de l'électronique développée par la chanteuse, on est face à un orchestre moderne, tout terrain et foncièrement voyageur : dans "les Métamorphoses ; Demeter No Access", la Mezzo-Soprano pilote une alliance basse/saxophone qui se permet tous les détours tout en restant toujours sur des couleurs pastels ; la voix est douce, sans scories inutiles, avec ce qu'il faut d'espace et de recul pour incarner les personnages qu'elle convoque. Demeter, déesse grecque de l'agriculture qui passait ses hivers aux enfers et ses étés auprès de Perséphone est une muse changeante. Ainsi il y a une différence entre la légèreté de "Perséphone Unlimited", où basse et alto tiennent clairement la partie solaire de l'album et "Les Métamorphoses : Spirito e Cielo" où les cordes viennent remplacer la voix, comme pour y apporter une dimension iréelle.
Le Quartet invité n'y est pas étranger : on y trouve un bout d'Ixi (Régis Huby et Guillaume Roy) et deux remarquables musiciens, Clément Janinet et Marion Martineau.
L'air de ne pas y toucher, Marjolaine Reymond a construit un monde. Il est étrange, de guingois parfois, mais les frontières semblent suffisamment lointaines pour qu'on aie absolument envie de l'explorer sans guide touristique : on trouve des envolées de cordes et des voix dédoublées, des flammes romantiques et des bouquets mythologiques, de la poésie et de simples éclats bruts qui brillent par les choix esthétiques. A la toute fin, Reymond fait appel à Christophe Monniot pour l'arrangement de "L'exode de Ted Parker", comme pour trouver une échappatoire à un monde qu'elle a entièrement créé et qui génère pléthore d'animaux fantasques et d'images colorées.
C'est un disque étonnant et rare que nous offre Marjolaine Reymond. Une force et une dramaturgie comme on en compte peu parmi les chanteuses de jazz actuelles. Un mouvement à saluer. 

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

229-Nuit Lapone 1

Commentaires