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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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26 mai 2023

Nicolas Stephan - Null

Nicolas Stephan est un musicien qui se pose toujours la question du fond avant celle de la forme ; c’est vrai depuis Unklar, un projet qu’il a mené conjointement à une réflexion globale sur la solitude et l’éparpillement du temps dans De la violence dans les détails, un livre accompagné d’une bande son. Mais il arrive en musique que la question de forme soit aussi celle du fond : ainsi est né Null, projet des plus personnel du saxophoniste du Surnatural Orchestra.
Une œuvre soliste mais pas tout seul, format de plus en plus usité et qui répond en plein aux préoccupations de son ouvrage. En convoquant des ombres, en l’occurrence des vinyles travestis ou travaillés dans leur trame (rayés, scotchés, désaxés...) pour créer des boucles cabossées qui viennent perturber une quête du son.
Une pureté troublée, comme pour mieux fendre l’armure.
Car il y a dans la musique de Null, troisième titre d’album en allemand après Paar Linien paru en 2021, une démarche qui n’est pas seulement oulipienne (sur « Arbres et Rivières », il joue de l'alto avec un bec de ténor, entre autres contraintes), mais bien plus profonde.
Une quête de la vérité. Null, c’est le zéro ; ce n’est pas un simple concept mathématique, c’est aussi un point de départ, une page blanche que l’adversité va modeler. Au début, dans « Rouge Zéro », le son du ténor est plein, très rond, il fouille dans les profondeurs de l’émotion.
C’est la face A du disque, pensé forcément comme un vinyle qui est à la fois le sujet et le support et permet de se livrer, seul avec le silence. Puis vient la polyphonie, la réponse d’un écho créé par le re-recording qui va initier un décalage, amplifié par une boucle pleine de surprise. Ici, ce sont les artifices qui fondent la réalité, comme souvent le carambolage est fécond, et contraint Stephan a aller plus loin dans l’introspection. On entre de plain-pied dans l’imaginaire de l’intime.
Paru sur Le Petit Label, Null est une belle facette de l’œuvre de Nicolas Stephan, absolument complémentaire des autres, un voyage intérieur. On ne sera pas surpris de retrouver le batteur Sébastien Brun en invité sur le très beau « 33 » qui vient dénicher une rythmique dans les craquements d’un vinyle volontairement rayé et pris au hasard dans une collection anonyme.
Il y a là, comme chez Emilie Škrijelj et ses disques déformés une volonté d’aller chercher le son dans sa dimension physique et inattendue. Null est empreint d’une magie étrange qui dit énormément de son auteur, avec beaucoup de poésie.

 

01-Nico Stéphan

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