Perrine Mansuy - Vertigo Songs
Perrine Mansuy et Marion Rampal avait au final tout pour se rencontrer. La pianiste au jeu fluide et coloré et la jeune chanteuse au timbre chaleureux ont certainement plus que les calanques marseillaises en commun. Elles ont en effet enregistré toutes deux des albums qui parlaient des femmes, par la nacre du piano ou par la puissance de la voix. On avait aimé « Mandragore et peau de pêche » sorti en trio en 2007 par Mansuy ; on avait dit le plus grand bien dans ces pages de « Own Virago », l'album de Marion Rampal et ses allers-retours entre la pop et le jazz sans jamais affadir l'un et l'autre. Deux univers très riches qui ne pouvaient que se rencontrer pour gagner en surface et s'offrir des moments de poésie entre ballades doucement languides et atmosphères oniriques.
C'est en quartet qu'on retrouve les deux musiciennes, accompagnées par le percussionniste Jean-Luc Difraya, avec qui Perrine Mansuy avait déjà animé le trio Délubies, et le guitariste Rémy Décrouy, membre du groupe Rosa avec le contrebassiste Bastien Boni.
Vertigo Songs, paru chez Laborie remplit toutes ses promesses. On y découvre un goût très prononcé pour le format chanson sans que cela n'enferme jamais les musiciens dans un système ou dans un dogme. Le jeu de Difraya, très sensible, souligne discrètement la douceur d'un piano qui ne s'attarde jamais trop longtemps sur sa main gauche (« Les 4 vents »). De même, le jeu de Decrouy est très atmosphérique, cherchant avant tout à évoquer une série d'images énigmatiques fardées d'électronique discrète. On le découvre dans « Tango Juice », notamment, où Marion Rampal joue de malice, avant de reprendre ce timbre emplit d'une douceur de rocaille dans le magnifique « Beneath a Evening Sky »...
Mais l'axe fort de ce quartet reste la pianiste et sa chanteuse. Marion Rampal s'amuse visiblement dans cette configuration, joue des ressources de sa tessiture et de ces multiples influences : franchement jazz dans le très beau « Listen to Monk », ou cherchant une émotion cachée dans une bulle de pop sur le « Chinese Lullaby » inaugural, qui plante en un instant l'univers d'un album entêtant.
Le jeu de Mansuy est intimiste, fait de concisions des phrases musicales et de mélodies égrainées, légères et prises au vent, suspendues aux textes en anglais de Rampal.
Parfois, on pense inévitablement au Spoonbox de Claudia Solal dans cette approche envoutante de chansons qui semblent se pelotonner dans quelques bribes de rêves. Notamment des morceaux comme « Xanadu » et surtout « Secret Tree » qui convoquent des ombres Victoriennes et des lueurs pastel. On trouvera cependant plus de pénombre dans la voix profonde de Marion Rampal qui se révèle, au révélateur de Perrine Mansuy, comme l'une des voix les plus troublantes de la jeune génération.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...