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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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31 mars 2013

Francesco Bearzatti Tinissima 4tet - Monk'n'Roll

S'il y avait à chercher un dénominateur commun à toutes les musiques qui peuvent être défendues ici, le jeu serait sans doute parmi les points les plus saillants. Le jeu, celui assez basique qui consiste à avoir des émotions, se donner des gages et prendre du plaisir. Car même dans la plus sérieuse, dans la plus ardue des musiques, il y a cette inaliénable notion de plaisir...
C'est sous ce prisme qu'il faut prendre le nouvel album du saxophoniste italien Francesco Bearzatti, Monk'n'Roll qui joue avec les codes du jazz et du rock pour créer un hybride dans un grand éclat de rire, en compagnie de son Tinissima quartet. Une formation à qui l'on devait déjà deux excellentes suites consacrées aux figures révolutionnaires Malcolm X et Tina Modotti, dont je n'avais pas parlé sur le blog.
Alors que celà l'aurait particulièrement mérité !
Sans doute j'y prète plus attention aujourd'hui car la nouvelle génération de jazzmen italiens, de Bearzatti à Grechi Espinoza en passant par Matteo Bortone dont nous parlerons très bientôt sur Citizen Jazz donne plus envie de s'y pencher que les précédentes... Ou est-ce simplement parce qu'on ne peut pas parler de tout !
Il n'est pas question de figure politique sur ce Monk'n'roll. Le propos d'apparence iconoclaste va plus loin que la pochette détournée du célèbre Underground de Monk, où l'on retrouve le célèbre pianiste ligoté à la place de l'officier Nazi originel... Sans doute que ça aurait fait rire ce vieux filou.
Sans doute que ça fait coinquer quelques entomologistes de jazz-comme-il-doit-être.
Ne boudons pas notre plaisir.
Monk'n'Roll, ce n'est pas que la simple pochade que je vais tenter de résumer en une phrase : Francesco Bearzatti, notamment avec son comparse Danilo Galo à la basse électrique prennent les standards de Thelonious Monk comme "Criss-Cross" ou "Straight No Chaser" et les mixe en direct avec des scies issues du rock le plus dru.
Par exemple "Walk on The Wild Side" de Lou Reed pour le premier, où la trompette de Giovanni Falzone, déjà aperçu dans If Duo, fait des miracles... Ou le second qui permet au batteur Zeno De Rossi de se laisser aller au binaire le plus jouissif sur le riff en parpaing massif inventé par Aerosmith pour Run DMC ("Walk This Way"). Une version où ce riff explose littéralement sous les coups de boutoir du saxophone électrique de Bearzatti, qui prend manifestement un plaisir magistral à cet amalgame inédit.
Évidemment, la première écoute est comme une explosion de rire, la même que celle qui unit la trompette et le saxophone sur "Bye-Ya", qu'on croit directement sorti de Monk's Dream, mais qui a croisé en route Roy Orbison...
Passé l'excitation frénétique qui nous pousse à découvrir avidement tous les clins d'oeil, à goûter ce crime de lèse-Monkesté que représente ce croisement improbable entre Bambi et Jon Hendricks sur un "In Walked Bud" dont la basse s'évertue à nous faire croire que "She's just a girl who says that I am the one", on écoute avec plus d'attention le travail de titan que représente ce Mash-Up.
Appelons en effet le travail de Bearzatti par son véritable nom : Bastard Pop. La même que des DJ comme 2ManyDJ's ou sans doute plus clairement Danger Mouse avec son Grey Album, un travail qui s'inscrit dans une certaine culture du disque qui plaira -et j'en suis- à ceux qui ont fait religion du disque.
Ce qui est impressionnant dans ce Monk'n'Roll, c'est que tout y est, ce qui demande un travail d'arrangement assez remarquable. "Green Chimneys" se frotte à "Money" des Floyd sans laisser voir les coutures... Le riff entêtant de la basse rappelle aussi ce que faisait Zappa lorsqu'il insufflait des lignes de basse puisées des ritournelles à la mode dans ses shows. En usant de ce procédé, Bearzatti replace la musique de Thelonious Monk dans cette complexité efficace à qui aucun outrage ne saurait retirer le brio. Il est de ces tentations iconoclastes qui savent avant tout remettre les choses à leur place : "Trinkle Tinkle" mouliné par AC/DC est de celles-ci.
Les musiciens prennent du plaisir, on en prend tout autant. J'avoue qu'avant ce mois-ci je n'avais jamais dansé sur "Bemsha Swing".
Another One Bites The Dust. Vous y passerez aussi.

Et une chanson qui n'a strictement rien à voir...

46--E-Pericoloso

Commentaires
S
Belle chronique pour un disque vraiment étonnant. Comme toi, j'ai suivi le parcours du Tinissima Quartet depuis le début et j'ai immédiatement craqué pour ce disque. Il est vrai que le travail d'arrangement est dantesque et qu'il se cache derrière une impression de facilité et de plaisir immédiat.
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