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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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7 septembre 2014

Jean-Luc Petit - Matières des souffles

Forte personnalité de la scène improvisée européenne, le multianchiste Jean-Luc Petit est un homme des profondeurs.
Des basses abyssales et des reliefs marqués construisent sa musique; Elle se partage ici entre ses deux instruments favoris, le saxophone baryton et la clarinette contrebasse, avec laquelle il trace ses plus noires vibrations.
Il n'est pas innocent de parler de dessin au sujet de Petit ; la pochette de Matières des souffles, dessinée par lui en une multitude de trames qui définissent au plus juste sa musique parle d'elle-même.
Il y a dans cette musique une dimension graphique qui joue sur la densité plutôt que sur la ligne claire, en témoigne « Autre cime, autre gisement » qui met en perspective la masse du silence pour lui donner une vision qui surplombe un terrain accidenté, entre souffle imperceptible et vrombissement tonitruant des tuyaux de la clarinette.
La matière est partout ; l'écoute à fort volume d'un morceau comme « Vibratoires » permet de ressentir la dimension physique, palpable, de ce corps à corps avec l'instrument. Les claquements des touches, le discret sifflement des anches sont autant d'infractuosités. Chaque morceau définit un espace que Jean-Luc Petit va patiemment patiner, huiler, enduire ou empoisser pour le transformer à sa convenance.
C'est dans ce contraste que se situe sa musique, magnifiquement capté par le label Improvising Beings dans deux églises, ce qui donne dans l'écho des hautes pierres une dimension supplémentaires. Elle n'est pas mystique, elle est architecturale : si Petit cherche la profondeur dans chacun des ses gestes et dans chacun de ses sons, il est indispensable qu'il est l'espace nécessaire pour l'emplir de son souffle. On pense parfois aux solos de Daunik Lazro, notamment « Abrasives Incursions » qui ouvre l'album. Il y a entre les deux hommes qui ont déjà enregistré ensemble des similitudes qui ne s'arrêtent pas à l'instrument commun mais se ressemble dans la farouche exigence d'une radicalité sans posture.
Parmi les deux lieux de culte consacrés désormais à cette musique exigeante, on notera que « Le Noir et le Goudron » notamment, et ses encres persistantes, presque indélébiles à l'oreille quand on s'y plonge totalement, est enregistré live à l'église Saint Martin de Bignac. Là même où Benjamin Duboc proposait il y a peu, et sur le même label, un St James Infirmary resté dans les mémoires. Et puis en furetant, on s'aperçoit qu'il s'agissait du même jour, et que les basses des deux solistes se sont succédées pour se heurter sur les pierres lourdes.
Y reste-t-il une persistance dans la vibration des lieux ? Il semble parfois que les deux solos se répondent à quelques heures de distance. Duboc et Petit ont eux aussi déjà jouer ensemble et la perpétuation n'est pas seulement affaire de calendrier. Ces univers faussement impénétrables sont décidément de beaux lieux de pérégrination, pour qui aime les dénivelés.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

07-Cailloux

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