Nuova Camerata - Chant
Le Portugal, si riche d'audace et de diversité musicale n'en finit pas de nous surprendre.
Ce n'est pas le seul, dans le disque qui nous concerne aujourd'hui. L'étonnement vient aussi du label Improvising Beings ; un étonnement permanent, pétillant et joyeux.
Un étonnement qui peut passer d'une référence à l'autre de Acceptance.Resistance à ce magnifique Chant d'un quintet nommé Nuova Camerata entièrement constitué de residents lusitaniens. Même le violoncelliste allemand Ulrich Mitzlaff, remarquable créateur de textures aussi complexes qu'immédiates habite à Porto.
En première ligne de Nuova Camerata et de l'album Chant, on retrouve le percussionniste Pedro Carneiro. Connu pour son excellence dans le répertoire classique et contemporain dans bon nombres de registres de chambre (de Kagel à Erkoreka, entre autres), on le retrouve ici impliqué avec des musiciens souvent au pivot des musiques contemporaines et des musiques improvisées. Dans ces confins aux frontières impalpables où l'on retrouve souvent l'alto de Carlos Zingaro ou le violon de João Camões.
On retrouve évidemment ces deux là dans un échange constant, très charnel. "Chant III" est l'occasion d'un beau jeu d'équilibre où les maillets de Carneiro sont un fil tendu sur lequel les cordes se balance sans craindre les tangages. Ce qui compte, c'est que les timbres s'imbrique suffisamment pour ne pas choir. C'est souvent extrêmement précaire, mais la ligne est tiré droite et ferme.
Chant ne contient aucune voix ; où du moins le croit on. Mais dans "Chant I", lorsque les archets rencontre les cordes dans un luxe de détail, lorsque la frappe ronde des marimbas vient prolonger cette discrète plainte, n'y-a-t-il pas quelque ressort de la mélopée intérieure ?
C'est un chant, oui, un chant aux allures un peu mystique, tel qu'on peut en entendre dans la musique écrite. Mais la spontanéité que confère l'exercice, et qui s'épanche dans la dichotomie sifflement/tintement du "Chant II" a quelque chose d'animal. Chaque mouvement est compté, soupesé, il y a une attention qui se focalise jusque dans les silences, les claquements sporadiques des pizzicati de l'alto, les bourrasques soudaines du violoncelle.
On est sur le qui-vive, dans les traces des musiciens. Des traces à peine imprimées tant les pas sont légers, précis... Ils ont quelque chose du renard dans la neige : vivacité et ingénuosité.
C'est sans doute dans le "Chant IV" que la construction est la plus brillante. l'espace qui est laissé entre les marimba et l'alto est peuplé de chimères qui viennent quelques instants à la surface, comme des petites lueurs. Et puis cet orchestre de chambre improvisé redistribue les cartes et cherche d'autre binômes, après que Mitzlaff ait pu réorganiser le terrain.
Un disque d'une grande maîtrise et d'une grande liberté.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...