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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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11 novembre 2013

Denis Levaillant - Les Passagers du Delta

Ce qui fait l'attrait de certaines musiques et de certains musiciens, c'est cette capacité à ne jamais avoir de date de péremption. De s'affranchir à ce point des styles et des convenances, des modes et des tics d'époques pour s'écouter vierge et sans apparat, jusqu'à devenir des madeleines à rebours ; des regrets de ne pas avoir connu ça à l'époque.
Quand Les Passagers du Delta sont arrivés dans ma boîte, je n'en connaissais rien. Le double album enchâssé dans un livre luxueux attisait cependant le goût de la découverte : d'abord parce que les photos de Le Querrec et de de Leloir sont magnifiques. Enfin parce que le pianiste Denis Levaillant offre ce qui se fait trop peu en jazz : des notes d'écoutes de l'intérieur, des instrospections de vingt-cinq ans d'âge qui coupent certes les effets des chroniqueurs mais permet à l'auditeur de ce trouve de manière peu ordinaire au coeur du triangle.
Quant aux disques, ils ont eux aussi un quart de siècle, qu'ils portent beaux. Deux enregistrements antédiluviens, un live et un studio, pour un presque quarantenaire qui en 87 entrait en sixième et en 89 écoutait la Mano Negra, François Hadji-Lazaro et les Beatles.
Soyons franc : j'écoute toujours les deux derniers.
Bien sur, individuellement, au fil des années, ces passagers me sont devenus familiers : Denis Levaillant et ses expériences pianistiques qui vont au delà du jazz, aux confins des expérimentations électroniques. Barre Phillips contrebassiste à l'archet merveilleux qui a fait partie de ces jazzmen américains à avoir "brisé le cercle" du jazz européen, en compagnie de Portal, de Joëlle Léandre ou de Lol Coxhill. Barry Atschul, batteur coloriste dont le travail au côté de Braxton, Rivers ou Paul Bley a marqué bon nombre de batteur actuels.
Mais les trois ensemble...
Dès "Free Mandela" qui ouvre le premier CD en public (1989), on comprend qu'on a affaire à un trio très soudé qui a su intégrer toutes sortes d'influences. Elle peuvent être puisées directement dans la tradition du jazz ou dans des phrasés de piano très classique. Mais c'est le travail sur le rythme qui est le vrai propos de ces trois solistes ensembles.
Levaillant a beaucoup travaillé sur la musique africaine, ce qui est très prégnant lorsque Phillips s'empare de la dimension mélodique à l'archet. Tout au long du double album on passe de la clarté limpide d'un "Time Colours" presque chantant à la complexité rythmique de "Dance From Nowhere" et la dureté abstraite du piano dans la version Live.
Ce goût du rythme et d'une relecture libre de la tradition est également présent dans "Around The Blues" présent sur les deux albums. La version live, plus languide, laisse une grande place à l'archet de Phillips, absolument remarquable de bout en bout. La version studio est quant à elle plus nerveuse, la main gauche de Levaillant se faisant plus autoritaire et le jeu d'Altschul très percussionniste.
Il y a toujours un côté très agaçant à faire le jeu de la comparaison entre live et studio, ce qui peut durer des heures et permettre l'organisation immédiate de championnat du monde de mauvaise foi. Néanmoins, pour ces Passagers du Delta, l'exercice est parfois plaisant. Il permet déjà de déterminer le sens de ce Delta...
Est-ce un fleuve, la naissance d'un flot continu, ou une simple résolution mathématique ? Un peu de tout ça à la fois et de manière si polymorphe qu'on comprend que ces passagers là sont des voyageurs incessants aux trois pointes du triangle.
On ne peut que conseiller de se plonger dans l'écoute successive et répétée des deux versions de "Paris-New York Railway", improvisation libre basé sur la rythmique impavide d'un train sur les rails. Les versions très différentes donnent de très précieuses indications sur la complicité de ces trois musiciens. Très compact sur la version live, mené par Altschul, la version studio est plus éclatée, plus ouverte lorsqu'elle est jouée par Levaillant.
Des découvertes comme celles-ci, on s'en souhaite tous les jours. Ne serait-ce que pour s'avouer que dans certains recoins de la Musiques, les années 80 n'étaient pas si pourries !

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

07-Delta

 

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