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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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29 octobre 2018

Renou / Donarier / Lemêtre - Adieu mes très belles

Adieu mes très belles, le titre du nouvel album Matthieu Donarier avec sa partenaire de jeu au jardin d'enfant est déroutant. Il évoque le départ, la rupture, la tristesse alors que ce qui se joue dans cet album paru chez Yolk c'est au contraire une survivance, un espoir, une transmission.
Non que le texte de Gilles Binchois qui porte ce nom soit spécialement joyeux : il est question d'amour courtois de douleur et de perte dans la plus pure tradition des ritournelles du XVe siècle, à l'époque des Dufay et des Josquin. C'est ce matériel là que Donarier et renoue utilise, avec un certain délice. A leur côté, le percussionniste Sylvain Lemêtre apporte une percutterie très cristalline qui favorise le minéral au végétal et s'harmonise à merveille avec la haute tessiture de Renou dont on n'a plus à prouver la technique. C'est souvent étrange, d'autant que le clarinettiste travaille de petites cellules, parfois réduites au simple slap qui s'ajoute de fait au champ des percussions.
Il y a de l'éther, est-ce vers Cythère ? On croirait bien que cet équipage y fait voile.
On pense qu'on y accoste dans le magnifique "Ohimé", un des quelques morceaux composés collectivement qui peuplent le disque. Les frappes de Lemêtre, qu'on avait tant apprécié dans le Spring Roll de Sylvaine Hélary, sont comme des rochers bousculés par les vagues ; au loin une cloche tinte dans le vent et les craquements de la clarinette contrebasse. Si ce n'est pas Cythère, c'est un autre pays magique où s'égayent "Toutes mes joies", une autre oeuvre de Gilles Binchois où Poline Renou fait corps avec un souffle tenu de clarinettes.
On pourrait y voir de la tristesse, mais c'est une de ces mélancolies poétiques douillettes dans lesquelles on aime se complaire. La force du trio, c'est d'arriver à leur donner corps, à les barder de ouates, à faire de chaque son une émotion supplémentaire, hors du temps et donc farouchement moderne.
Car c'est ce qui frappe à l'écoute de "Heu me Domine", un chant portugais de Vicente Lusitano de 1550. C'est qu'à travers le plain-chant, l'unité de Donarier, plus sobre que jamais avec Poline Renou, il y a une intemporalité troublante. C'est dans l'approche de la chanteuse principalement, qui ne recherche pas la pureté et la laisse davantage à Sylvain Lemêtre : C'est "L'icône tout à coup sourit" qui le révèle, comme sortie des limbes, revenue des morts, descendue du Paradis.
Et prête à nous dire de repartir avec elle.
Le répertoire choisi par Donarier, Renou et Lemêtre n'est pas le plus usité dans nos musiques. C'est peut-être dommage, car il est source de liberté. Créé en 2015 au Petit Faucheux de Tours, Adieu mes très belles est un beau projet qui mérite de se laisser guider et gagné par les belles couleurs proposées. On rêverai également de l'entendre avec un beau consort de musique ancienne, juste pour qu'il prenne encore davantage de relief.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

07-La-Plage-désaturée

Commentaires
M
Salut !<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne sais pas si tu verras ce message, mais merci pour cette chronique !<br /> <br /> J'étudie actuellement cet album, et je recherche des sources du poème Adieu mes très belles. Tu parles justement du texte, as-tu trouvé une source écrite du poème, ou bien de la musique ?<br /> <br /> <br /> <br /> Si tu pouvais me la transmettre, cela m'aiderait énormément !<br /> <br /> <br /> <br /> Merci, et encore bravo pour cet écrit.
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