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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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6 mai 2010

Pourquoi le jazz ?

C'est vrai, finalement...
Je l'ai trouvé diablement intéressante, cette information parue hier sur Twitter concernant une étude récente du Centre Information et de Ressources sur les Musiques Actuelles...
En effet, la vénérable institution a posé une question à différent acteurs de la musique de jazz [prononcez Musikdeujase] en France. Cette question, à la fois anodine et diablement ouverte, "Pourquoi le jazz ?" a fait plancher 77 personne qui ont tenter de le définir. Au premier abord, ça peut sembler être aussi pertinent qu'une question comme "vous aimez les chiens" posée sur un canapé rouge doublé en couches confiance... Mais au regard de sa propre réflexion, ainsi que des réponses, il est simple de constater que la question est d'une rare acuité et d'une vraie actualité.
De l'enquête, on peut déjà relever les plus jolis mots : Liberté, échange, fraternisation, égalité, intelligence, générosité, brisure, danger.
On interrogera le sens de la question : aujourd'hui, de Melody Gardot à Anthony Braxton quel rapport, hormis le vocable ? Les taxidermistes ont fait du jazz un mot-valise qui s'est parfois perdu en route, entre les feulements et le roulement de mécanique, entre l'émotion et la séduction, sirupeuse et putassière. Aujourd'hui, il y a tellement de subdivision dans le jazz que c'est devenu l'armée mexicaine, si l'on reste dans les chapelles. Une armée mexicaine qui se délite au fur et à mesure des nouvelles cases. Les cases sont des méduses. Elles étouffent ceux qui les écoutent.
L'idée du jazz c'est la création, le propos et l'étonnement. La soif de la rencontre avec d'autres "affamés de musique", comme dirait De Chassy. Pas une faim du seul jazz, mais d'une kyrielle ininterrompue de sons vigoureusement expressifs. Un cocktail de toutes les musiques dans un shaker d'influences et d'expressions sans distinction ni pré-requis. Une création qui se nourrit de la rupture, de la brisure... Une catastrophe féconde.
Si j'étais fayot, je dirai que j'ai été séduit par la définition du Directeur de Publication de Citizen Jazz, Matthieu Jouan : "Pourquoi le jazz ? Mais parce que, entre l’immense rigueur magnifique de l’écriture musicale occidentale et la pureté sensuelle, terrienne et menacée des musiques orales, il y a cette terre promise, ce chaudron bouillant, ce souk bruyant. Parce qu’on peut y avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Parce que trois accords ne suffiront jamais. Parce qu’un son sale, rauque, hurlé est plus vivant, plus résonant qu’une pureté artificielle et maniérée."
Si j'avais répondre à mon tour, je dirai que c'est parce qu'à force de me droguer à la musique, dans la bibliothèque musicale de mon enfance, cornaqué par un vrai passeur de discothécaire sans pré-requis, à force de prendre des disques du patrimoine pop et de musique soul à l'adolescence, un jour pas comme les autres, "Hot Rats" de Frank Zappa est arrivé sur ma platine.
A suivi "A Love Supreme" puis tout les Coltrane jusqu'à l'exaltant "Sun Ship". En même temps, l'acidité du groove de "Fat Albert Rotunda" ou de "Headhunters" me bouleversait. Puis les deux orchestra, le Mahavishnu et le Liberation Music. Puis Ornette Coleman... Et le plaisir enfin de prendre le XXème siècle à rebours, et de mélanger les goût jusqu'à me tenir sur la frêle brisure de la musique "contemporaine"..
La cristallisation en une note. Des années de solfège et d'instrument que se retrouvaient comblées tout en volant en éclat. Le jazz, c'est la fuite de la facilité et le plaisir des images. C'est l'expression et l'abstraction. C'est le plaisir d'aimer le Hip-Hop ET Berio, Les Beatles ET Stockhausen sans faire de classement. C'est la joie d'aimer bouger avec Hancock et de laisser envahir par Halvorson. De fondre devant Parker et Ellington. L'évidence du groove et la complexité de la sculpture sans autres graduations que le plaisir et le ressenti. C'est être ouvert à tout, se laisser balloter, bousculer par de nouvelles langues, de nouvelles voix, de nouvelles dissonance. Bref, c'est être en constant aguets aux souffles du monde.
Les réponses de 77 acteurs majeurs sont un document passionnant. On ne peut que s'en réjouir.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

19_Massot_Papanosh

Commentaires
F
Je le prends comme tel :)
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L
Tu es un volubile epistolaire enthousiaste et passionné.
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