L'Opéra, Tharaud, le public
J'ai dit il y a peu que je ne parlerai pas souvent sur ce blog de musique classique ou contemporaine, n'étant pas à proprement parler à l'aise pour le faire, et ne m'en sentant pas en capacité. on va essayer de faire exception...
Hier soir, donc, direction l'Opéra de Rouen, qui fait une jolie saison pleine de bonnes surprises pour y découvrir un spectacle un peu à part dans la programmation et dans sa forme, puisqu'il ne s'agissait pas d'un thème lié à l'œuvre, mais à l'instrument. Et plus particulièrement du piano, avec Alexandre Tharaud, interprète vedette des disques Harmonia Mundi.
En effet, Tharaud avait réuni 3 de ses amis pour un récital autour de l'instrument et du jeu à plusieurs mains, sous la forme de transcriptions de "grands airs" parfois un peu convenu (l'ouverture de la Flûte Enchantée) et parfois très intéressant, comme cette étonnante transcription par Tharaud lui-même de quatre extraits de Carmen pour 16 mains (!) avec le concours de quatre jeunes pianistes; Surtout avec d'excellentes surprises, comme cette transcription décharnée, minimaliste du "Prélude à l'après-midi d'un Faune" transcrit pour quatre mains par Debussy lui-même, ou cette belle transcription de "l'ouverture cubaine" de Gershwin pour 8 mains qui laisse transparaître les rythmiques de manière plus claire... C'était une belle soirée, car nonobstant le côté un peu "parvenu" du programme (Mozart, Rossini, Bizet. Bon, on a vu plus audacieux...) les musiciens ont pris et donné du bon temps. Ils ont montré une maîtrise de l'instrument sans tomber ni dans l'épate, ni dans la performance technique dite du "Nigel kennedy/Pat Metheny" (je joue n'importe comment, mais vite, sans nuance mais, putain, je mets de la note à la seconde).
Un beau moment, qu'il convient de saluer, avec un Tharaud passeur, à la renommée plus que justifiée.
Ce qui est amusant dans ce genre de spectacle, c'est la sociologie des lieux.
L'Opéra n'est plus, sauf peut-être en ces soirs, l'apanage de la bourgeoisie rouennaise, en tout cas de sa frange cuistre. La politique tarifaire y a fait pour beaucoup, la volonté d'ouverture aussi. On y voit de tous âges des mélomanes et des curieux, des gens qui viennent pour la musique et pas pour se mater le Cyrillus. N'en déplaise à quelques barbons enferrés dans des schémas vieux de 50 ans, l'opéra n'est plus le temple de la musique officielle, et le jazz n'est plus une musique révolutionnaire au seul prétexte que c'est écrit jazz sur la pochette. Varèse est mille fois plus révolutionnaire que Mélody Gardot. L'important c'est la couleur et la musique. Et de toutes façon, la musique officielle aujourd'hui, c'est Benjamin Biolay et Chimène Bady.
Bref.
Hier soir, le public n'était pas le même que d'habitude. On avait sorti les foulards en soie et les costume de contrôleur de gestion pour entendre une musique qu'il faut paraître apprécier. Des vieilles enbagouzées, déguisées en loutres râpées, affublées de portables qu'on oublie d'éteindre -forcément- venaient applaudir la prestance et les airs qui sont bien, puisqu'ils sont connus. Sur le fond on s'en fout. Mais c'est très amusant.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...