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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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22 juillet 2013

Matthew Bourne - Montauk Variations

On se souvient tous, un jour, de la première fois qu'on a entendu un musicien marquant. Du moment où de l'inconnu suinte une sorte de certitude d'excellence où à défaut, de grande sensibilité. Parfois se sont les deux, intimement intriqués.
Matthew Bourne et de ceux-là. Sans avoir vécu la cristallisation que Laurent Dehors me décrivait lors d'une interview pour Citizen Jazz, j'en fus particulièrement impressionné. C'était avec Dehors, d'ailleurs, dans un Concerto Grosso remarquable... Et par la suite, tous les projets du rouennais, notamment le Chanson d'Amour, en duo avec le pianiste qui révélait avant tout que deux esprits frappeurs et iconoclaste sont d'abord pétri d'une élégance de chaque instant.
De cette fluidité discrète qui rend léger chaque thèmes. C'est dans cette même démarche que l'on retrouve Matthew Bourne dans un solo, Montauk Variations qui dit tout du parcours du pianiste et d'une certaine forme de tendresse à fleur de peau. C'est le cas notamment dans la suite de trois morceaux (« Here », « Gone » et « Knell ») dédiés à son ami disparu Phillip Buttler-Francis où on peut entendre Bourne se charger également d'overdubs de violoncelle qui donnent encore plus de profondeur à un propos très nostalgique, tout en retenu. Il y a dans la tonalité sépia de cette musique où chaque note est comptée, pesée, entourée, lâchée dans la ouate du silence comme un dialogue intérieur profond. Celui du souvenir.
Voilà le centre de ce disque sorti chez les anglais de Leaf Label.
Comme Braxton pour son For Alto, Bourne dédie la plupart de ses morceau à un pair, ou à une influence qui dresse une cartographie tout à fait passionnante de son parcours et de son état d'esprit. Ainsi, la très courte « Etude Psychotique » dédicacée à John Zorn rappelle que Bourne est un musicien qui aime aussi les entrechocs et le mouvement. Il n'y a pas, comme chez le saxophoniste, de volonté de s'inscrire dans une lignée esthétique ou une revendication, mais de petites touches doucereuses, presque impressionniste comme dans le « Air » inaugural dédié à Jonathan Flockton, ou ce « Unsung » qui agite des tonnerres main-gauche dans un morceau très court avant de lancer la petite mécanique fébrile de « Smile » qui clôt l'album.
Très influencé par les atmosphères cinématiques (Laurent Dehors raconte souvent qu'il a rencontré le pianiste alors qu'il mettait en musique des dialogues de la Nouvelle Vague...), il y a du verbe dans ses solos, un dialogue secret, chuchoté tendrement parfois, comme dans le remarquable « Juliet » où l'on retrouve le violoncelle, répétitif et profond.
Montauk, c'est une lande de terre au large de New-York entre la plus européenne des villes américaines et une Europe auquel tout le bagage classique de Bourne le rattache. Voir par exemple le morceau « Mystic », tout en abstraction dans ses martèlements mains-droite, d'un romantisme un peu flou.
L'anglais, au milieu de tout cela fonde son propre territoire, vallonné et étrange...
La bande de terre de Montauk, c'est un peu cette insularité jalouse vers laquelle tend la musique de Bourne, remarquable de maturité, avec son lot de tranquilité, de solitude joyeuse et de souvenirs un peu éthérés.
Un beau voyage, décidément.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

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