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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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30 juillet 2014

Erdmann/Le Bras/Tchamitchian - De L'Estaque aux Goudes

Ensemble depuis des années, le duo du saxophoniste Daniel Erdmann et du pianiste Francis Le Bras a déjà beaucoup partagé.
On se souvient d'un très beau duo, mais également d'une rencontre avec le poète Ze Jam Afane. Les deux musiciens aiment les rencontres, et ce présent album permet de se lancer dans un nouveau trio. Le piano de Le Bras est plein de rêve et de douceur, et le saxophone de Daniel Erdmann plein de sable et de scories, que l'on retrouve par ailleurs au sein du très beau trio Das Kapital ou encore chez Vincent Courtois pour le magnifique Mediums.
Tous les deux n'ont pas que la musique en commun, mais aussi son environnement puisqu'on les retrouve au sein du collectif Vents d'Est, né en Champagne-Ardenne mais qui a remplacé la soulaire ardennaise par le mistral marseillais, et c'est poussé le long de la vallée du Rhône que le label s'est installé dans la cité phocéenne en 2012.
Marseille, c'est également une ville qui a compté pour Claude Tchamitchian, contrebassiste féru d'image et de voyage, qui aime arpenter les routes et s'emparer des paysages pour nourrir son jeu lumineux.
C'est autour de Marseille que ces trois là ce sont rencontré, et c'est de L'Estaque aux Goudes, de la pêche aux calanques que le trio a posé sa musique, enregistré à une petite centaine de kilomètres du Vieux-Port, dans le studio La Buissonne de Gérard de Haro.
Voilà qui permet de témoigner au mieux de cette rencontre chaleureuse, où la musique passe ave légèreté de l'un à l'autre, chacun assumant tour à tour sa fonction rythmique comme pour mieux laisser à Tchamitchian l'occasion d'exprimer sa grande musicalité. Dans ce disque, ses prises de paroles sans heurts font songer à ce qu'il présentait dans le Stéréoscope de Stephan Oliva.
Voire ainsi le central "Bonne Mère" qui scrute avec une certaine nostalgie la ville qui s'étend sur la mer. Le contrebassiste tisse à l'archet une mélodie dont s'empare le saxophone d'Erdmann. Le piano ponctue d'un blues plein de quiétude une discussion gracieuse. Le timbre du saxophone, plein de sable et de pierraille évoque la mer et le vent. Ce zéphyr engouffre au coeur du trio où chacun dispose de beaucoup d'espace. C'est un sentiment que l'on retrouve également dans le "Sunday Night At The Panier", où le temps semble suspendu aux ostinato du piano, comme renaissant dans la quiétude du soir après avoir été écrasé de chaleur.
L'atmosphère qui s'échappe de ce Road-Disc le long de la corniche, c'est celle de la pénombre.
De L'Estaque aux Goudes, tous les chats sont gris et tous les membres du trios prennent la responsabilité d'un propos commun. Cela commence dans un bus vide qui roule au pas le long de la "Corniche JFK" où la ville scintille. Cela se poursuit dans le fourmillement abstrait du piano de Le Bras dans le plus dense "Igor On The Autobahn". La musique du trio est libre mais sans heurts. Elle file avec une absolue tranquillité.
La vision de Marseille par le trio n'est ni celle d'un marseillais jaloux de ses rues escarpées ni celle d'un dépliant touristique qui vante les calanques et séries TV dépressives. On entre dans Marseille comme un migrant de fraîche date, déjà amoureux de la ville mais qui s'émerveille encore de ce lieux vierge de souvenirs.
On n'est pas comme dans le Europa Paris d'Olivier Benoit qui mettait en musique la ville à la manière d'un urbaniste. De l'Estaque aux Goudes n'a rien de la Cité Radieuse ; le Marseille du trio est pris du point de vue du quidam, du piéton, de l'errant qui se ballade dans la nuit chaude. C'est notamment patent dans la suite "De L'Estaque aux Goudes" dont les cinq parties tiennent de la déambulation sur un piano rêveur où le trio peut parfois s'emballer dans un jeu plus turbulent, comme cette "Part 4" où la contrebasse tient une ligne solide et soudainement nerveuse.
On aime se promener dans Marseille en compagnie de ces trois là. Un Marseille fantasmé sans cliché dans lequel on nous tient par la main et où l'on aime retourner. Un très beau disque, comme toujours chez Vents d'Est...

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

04-La-vierge-des-Tueurs

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