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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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6 janvier 2015

Ichiro Onoe - Wind Child

Il est des noms qui reviennent souvent dans les conversations d'amoureux de jazz et qui pourtant n'affichent pas une discographie importante sous leur nom. On dit alors qu'il sont d'excellents sidemen, mot qui n'a rien d'infamant et qui est même sacrément glorieux quand on regarde certaine cartes de visites. Ne pas avoir délimiter sa propre géographie ne signifie pas forcément qu'on n'a pas d'univers propre ; c'est simplement que chaque chose doit venir à son heure.
Le batteur japonais Ichiro Onoe, installé en France depuis presque 20 ans est de ceux-ci. Percussionniste élégant, rythmicien subtil, on l'a vu aux côté de Bruno Angelini, de Chris Cheek, et surtout de Philippe Le Baraillec, avec qui il compte plusieurs album et la chanteuse Mina Agossi, dont il a accompagné fidèlement les premiers albums. Il y a également une carrière au Japon, où il a joué avec des musiciens américains habitués de l'archipel (Ron Carter) et d'autres musiciens nippons (Yasuko Agawa, entre autres). Un carrière bien rempli auquel il ne manquait plus qu'une boussole ; un album a soi, avec ses propres compositions, entouré de musiciens choisis.
C'est tout le propos de Wind Child, enregistré en quartet.
Lorsque commence "Ladie's Day", on est en terrain connu. La rythmique est solide et bien définie. Le sax ténor de Geoffrey Secco chaleureux et fortement influencé par Coltrane. On s'attend à un disque un peu propre et bien réalisé, comme il en existe des dizaines qui montre que la scène hexagonale est volubile et de grande qualité...
Et puis soudain, on prête attention. Au jeu très ample d'Onoe d'abord, qui va chercher dans ses cymbales des petites anfractuosités dans la solide armature. Aux prouesses rythmiques de Ludovic Allainmat ensuite, qui tient la maison sur la plupart des morceaux lorsque les deux comparses de la doublette rythmique s'en vont chercher l'émotion dans de longs dialogues.
Et puis il y a Matyas Szandai, le contrebassiste hongrois installé en France depuis une pincée d'année dont je pense n'avoir eu de cesse de dire qu'il était certainement l'un des meilleurs d'Europe dans sa génération -et peut-être même au delà-, même certaines de ses collaborations depuis qu'il est en France on tendance à résulter de choix discutables.
Il y a d'abord ce solo remarquable en pizzicati sur "Ladie's Day", et puis cette réjouissante discussion avec le piano,au coeur de "Playground". Szandai s'instille, offre de l'espace, projette le quartet dans des dimensions plus abstraites au coeur même de ballades très classiques ("Recesses Of The Heart") et surtout entretient avec Onoe une relation quasi télépathique, notamment sur "l'excellent morceau "Wind Child" qui donne son nom à l'album. Mélange de sentiments parfois contraires qui racontent l'enfance du leader, il commence en toute quiétude, par le souffle sucré de Secco.
On connaissait un batteur discret et efficace, le voici qui nous livre un album où sa batterie dessinne de luxuriant paysages aux parcours et aux atmosphères changeantes qui ont entre-elles une forte et puissante déclaration d'amour pour le jazz. Et une propension à jouer tous les styles, parfois au coeur d'un même morceau sans sombrer dans la variété.
En témoigne le très joueur "What Do You Want" qui commence dans une discussion archet/piano des plus réjouissante. Et puis après une tournerie légère, tout explose pendant que le piano entame une mélodie aux reflets japonisants. La rythmique se durcit sous les coups de boutoirs conjugués d'Allainmat et de Szandai et le ténor devient cataracte sur le drumming placide d'Onoe. Le Free s'invite soudain, dans une rupture, sur les martellements de peaux.
S'il y a un vent de l'enfance sur ce disque, c'est la séquence de turbulence !
Wind Child est le disque d'un quartet qu'Onoe avait baptisé "What I am". Il est peu de dire qu'on le découvre. On pourrait même aller plus loin : Wind Child, c'est la prise de pouvoir de quatre musiciens qu'on a l'habitude de croiser en sidemen dans les formations.
Une très agréable initiative, pour un résultat tout à fait réussi.

Une vieille photo (2006) avec Mina Agossi... Mais l'énergie est toujours là.

05-Mina-5

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