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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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16 janvier 2016

Tikkun - The 24 Doors

Yoram Rosilio est l'un des secrets les mieux partagé de la nébuleuse Free européenne.
Assez prolixe, multipliant les groupes et les projets autour d'un noyau de musiciens fidèles, le contrebassiste qui fut le premier de Ping Machine développe depuis des années un propos musical qui puise à la fois dans une vieille tradition libertaire qu'il revendique tout entière, jusque dans la production de ses disques et son mode de diffusion, et une culture très ancrée des musiques du Maghreb qu'il insuffle notamment dans des polyrythmies brûlantes, chaleureuses et qui ne semblent pas se donner de limites... Ce qui est pour nous plaire.
C'est dans cette démarche qu'il a passé plusieurs années avec des musiciens Gnawa à chercher, à tatonner parfois... En ajoutant à cela une connaissance évidente des traditions musicales séfarades, il fait vibrer une musique farouche et inscrite dans un réel qu'il convient de sublimer.
C'est tout le propos de The 24 Doors, le présent disque, avec un sextet, Tikkun, que l'on peut considérer comme le noyau élémentaire de toutes ses formations, à laquelle s'invite le trompettiste Andrew Crocker, un membre encore de Ping Machine dont la proximité avec Rosilio se pare d'évidence. Une musique assez écrite, ce qui n'empêche pas des envolées permanentes d'improvisation. 
Une fois qu'on a dit ça, on oublierait presque l'essentiel, le jazz, dont chacun de ses morceaux, à commencer par ceux enregistré dans son brillant Anti Rubber Brain Factory (ARBF) qui traduisent des heures d'écoute et de plaisir.
Avec Cuir, autre rassemblement de fortes têtes, Rosilio avait expérimenté la formation sans batteur. Mais la présence de Koerner lui permet d'être plus survolté encore et bien plus mélodiste. Il se nourrit de phrases saignantes, répétées à l'envie, dans un disque qui se conçoit comme un tout qui progresse comme une parabole.
Il y a dans sa contrebasse et ses orchestres des rhizomes d'Ayler et des atomes de Liberation Music Orchestra sans que cela ne soit plaqué ni strictement référentiel. C'est un grand shaker où l'on est balotté à la fois par sa contrebasse ronde et élastique et le drumming impeccable et gonflé de générosité de Rafael Koerner, de Ping Machine là encore.
Dans le présent album, la doublette rythmique fait encore des miracles. Sur un morceau comme "Rahoum ve Hanoun", qui reprend la tournerie entêtante de la première suite "Selikhot", les comparses s'en donne à coeur joie, et poursuivent même "Oubsepher", le morceau suivant et sommet de l'album, de leur fougue. Ca vient de partout, ça prend comme une danse frénétique, proche de la transe mais en même temps guillerette.
Pour les accompagner, les cinq soufflants, où l'on retrouve les fidèles Jean-Michel Couchet -de Ping Machine encore-, Florent Dupuit et Benoît Guenoun remarquable à la flûte font feu de tout bois. C'est dans les échanges entre saxophones, qui n'exclut pas quelques carambolages que le propos est le plus intense.
C'est chaleureux, entier, gourmand... Et c'est vraiment l'univers de Rosilio dans ce qu'il a de plus brillant : on avait pas, depuis Ask The Dust eu ce sentiment jubilatoire avec l'un de ses disques. De l'émotion, aussi, lorsque sur "Amidah", après une lutte âpre et quelques minutes de silence (rituelles), une voix de rocaille se met à déclamer un chant de combat et de peine. 
Il y a de l'intransigeance dans le propos de Rosilio, mais cela ne se traduit pas par un propos émacié ou fermé. Sa musique mousse, explose, célèbre la vie et le monde. 
Et on aime ça, follement.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

145-Errance-Espanola

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