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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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18 mai 2014

Roberto Negro - Loving Suite Pour Birdy So

Il y a des collectifs sur lesquels les bonnes fées se penchent avec plus d'assurance que d'autres. C'est indéniablement le cas des musiciens du Tricollectif, dont nous avions parlé il y a peu ici à l'occasion de l'album de Durio Zibethinus, mais aussi lors de la sortie de Marcel et Solange, qui reste l'acte fondateur de la renommée de ses musiciens.
Avec les deux frères Ceccaldi en proue, Valentin au violoncelle et Théo au violon, le Tricollectif a su imposer une identité de cordes, d'autant plus que le trio de Théo Ceccaldi a présenté il y a peu un magnifique disque chez Ayler Records avec Joëlle Léandre, qui est la marraine du collectif.
Roberto Negro est pianiste, mais son jeu est si sensible qu'il tient sur le fil d'une corde de piano. On aura l'occasion de l'évoquer de nouveau dans La Scala qui va prochainement sortir chez Ayler Records. Il présente avec Loving Suite For Birdy So un de ces disques dont on est persuadé à la première écoute qu'il va vous accompagner longtemps, et que ses écoutes successives vont en faire un disque de chevet.
Instant Classic disent les anglais.
C'est l'exacte définition de cette petite bulle sucrée. Le sextet sous la direction de Negro est un orchestre à cordes qui sait explorer une couleur changeante et pleine de délicatesse porté par la voix d'Elise Caron, qui évolue ici dans une atmosphère que l'on croirait sienne. Il faut que Negro et ses comparses connaissent par coeur -comme nous tous- l'univers d'Elise pour aller aussi loin dans son biotope. Birdy So parle d'instant amoureux, sans lourdeur ni couture mais avec cette dérisoire légèreté qui porte au rêve. Le violoncelle de Valentin Ceccaldi est un caméléon, il se mue à chaque morceau, donne de la voix ou fourbit des objets, se transmue et accompagne Elise, à chaque fois impressionnant. Cette suite est une musique résolument chambriste et lumineuse. Profondément addictive.
Après un "prélude" instrumental qui dessine le cadre de la suite comme en condensé, "Tout de toi" ouvre l'album sur une chanson que l'on pourrait croire sortie d'Eurydice Bis. Pourtant, il y a ces cordes insistantes et légères qui l'habillent dans de nouveaux atours et qui font sienne cette atmosphère. 
Quant à l'auditeur, il se pelotonne dans cette ouate. Il volette avec Birdy So d'archets et pizzicati, de touches en marteau comme on se promène dans un jardin au printemps. Birdy So est un petit oiseau mécanique ; son fonctionnement est absolument délicat, à en croire par exemple la musique pénétrante de "M'avez-vous dit vous ?" et les entrelacs électriques de Federico Casagrande.
Il y a bien sur ce magnifique "Bicyclette" qui commence dans le nuage électrique de la guitare. Elise Caron entre dans les textes de Xavier Machault à pas comptés, sur la pointe des pieds, comme on entre dans une chambre endormie une nuit d'été. Au centre, il y a un trio où les frères Ceccaldi tournoient autour de la contrebasse de Nicolas Bianco. Le piano semble se mouvoir comme porté par le vent ; tout est léger, onirique et réjouissant, il y a une émotion à fleur de peau à chaque mesure...
Mais l'humour n'est jamais loin, il entraîne dans d'autres dimensions Birdy So, jusqu'à l'absurde doucement acidulé de "Toi, Moi, Oie" ou la noirceur Inquiétante de "Champagne". Dans ce dernier morceau, Elise Caron et Théo Ceccaldi se lancent dans une discussion bredouillante qui monte Crescendo à mesure que la guitare de Casagrande l'acidifie.
Ce morceau, emblématique d'un album sans frontière qui se fout comme d'une guigne de savoir s'il est rock, jazz, contemporain ou chanson, tonitrue la seule question qu'il convient de se poser dans nos musiques : "How Long Is Now ?".
L'air de ne pas y toucher, Loving Suite pour Birdy So est un jalons posé dans la définition d'une certaine forme de musique qui émerge depuis 15 en Europe et qui rend chèvre tous les entomologistes de la-musique-dans-des-cases. Birdy So flotte, butine, s'arrête, retourne ou détourne.
Et on suit, le nez au vent.
Cette absolue réussite ne serait rien sans les textes de Machault. On en avait eu un avant goût dans le très beau Quand Hurlent les Haut-Parleurs, ils sont ici finement ciselés. Pour s'en convaincre, écoutons la trilogie des fleurs et notamment la légère "Pivoine Shichifukujin" et ses cordes sèches et orientalistes : "La Pivoine Shichifukujin a le parfum japonisant vous saisit sec à la narine C'est un sacré tempérament".
Quel rythme !
On dit toujours qu'un collectif a toujours besoin d'un acte fondateur. A force de ne faire que des actes fondateurs, les musiciens du Tricollectif ne devraient pas tarder à se lancer dans la vente de lotissement.
Indispensable, évidemment.

04-Elise

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