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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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31 octobre 2014

Les algorithmes et les loopings

Voilà des semaines, des mois peut être, que nous n'avons pas évoqué le Ministère de la Culture et son action. Ce n'est pas un renoncement, c'est de la bienséance ; on ne parle pas des morts, ça les convoque.
Il ne faut pas chercher bien loin pour comprendre que le ministère de la culture sert depuis plusieurs mandatures à donner le change et à faire croire encore à une politique culturelle : elle s'apparente tout au mieux à un rôle de passe-plat de l'industrie du Divertissement. Jean-Michel Frodon l'explique fort bien dans son article de Slate : l'approche strictement techno de notre nouvelle ministre permet "D'entendre, presque mot après mot, l'enterrement de l'idée même de ministère de la Culture." Il y a dans la croyance d'une pseudo Main Invisible qui vous apporterait l'offre culturelle souhaitée à peu près la même réalité que dans celle qui régule les marchés.
En cherchant bien, d'ailleurs, ces deux mains vont par paires. Si elles ne distribuent pas la richesse, elles se sont plutôt spécialisées dans les claques et l'entrave.
Dans une période où l'on peine à percevoir la différence intrinsèque entre les politiques menées depuis 10 ans, la politique culturelle menée actuellement ressemble à s'y méprendre à cette Culture pour Chacun que le Ministre en Papier-Bible appelait de ses voeux : celle d'une offre culturelle différenciée qui permet de ne jamais sortir de la petite bulle paresseuse dans laquelle on s'engonce par manque de curiosité et de médiation. Une politique culturelle réduite aux algorithmes ressemble à s'y méprendre aux sites de Streaming.
Vous écoutez Kraftwerk, alors vous aimerez David Guetta. C'est pour le schéma -et la pertinence, du coup-.
Allez lire ce que j'écrivais à l'époque ; l'avenir est déjà là. Reste à savoir si les loopings que doit faire le pauvre Malraux dans sa tombe peuvent être traduit en tableaux de bord ou interprétés mathématiquement.
D'un rôle d'épanouissement et d'émancipation, la Culture est passée en quelques années à un rôle condescendant qui consiste à donner à voir ce que l'on connaît, ce qui bénéficie de plan marketing d'envergure et de de stratégies de communication sophistiquées.
Seuls, les chiffres priment et tant pis s'ils n'ont strictement aucun sens. Tant pis si le résultat s'avère presque aussi efficace que la vente d'avion de guerre. L'important c'est de "rassurer les investisseurs" et les ayants-droits, en bref de ventiler l'argent là où il est déjà.
C'est la crise, mon brave monsieur, me dira-t-on.
La question est là : n'est-ce justement pas le rôle de l'état de soutenir les marges ? d'esssayer de sortir par le haut plutôt que par la normalisation et l'affadisation de tout ? On le sait et on le voit, en bibliothèque : les usagers se jettent sur le mainstream, mais si un juste travail de médiation est réalisé, si une offre ouverte est proposée, la découverte est là.
Ca doit griffer la culture. Ca doit heurter, mettre en danger, bousculer, déranger, réveiller... Sinon ça ne sert à rien.
Pendant des années, ce sont les collectivités territoriales qui ont maintenu ce rôle. Certaines s'y tiennent toujours, parfois avec audace et succès. Mais là aussi, la baisse des dotations de l'Etat, le désinvestissement progressif et la guigne de la rentabilité à raison de cette réalité. De tous les coins de France, on voit des associations, des festivals, des programmes pédagogiques se retrouver menacés par des coupes sombres. Il n'est d'ailleurs pas question d'étiquette politique. De tout bord, rien ne compte plus d'autre que l'apparition et le confort de l'habitude.
L'altérité fait peur, et ça commence par là.
Le mouvement n'est pas uniquement français. En Belgique, le gouvernement cornaqué par des nationalistes flamands semble bien décidé à faire crever le rayonnement culturel fédéral, à commencer par La Monnaie qui sous l'impulsion de De Caluwe enchaîne pourtant les succès. En Espagne, Jordi Savall refuse un prix pour dénoncer le désengagement du gouvernement : "Il est essentiel de donner aux musiciens un minimum de soutien institutionnel stable car, sans ces musiciens, notre patrimoine musical est voué à l'oubli et à l'ignorance. L'ignorance et l'amnésie sont la fin de toute civilisation". Jamais l'harmonisation européenne ne se fait aussi bien que lorsqu'il s'agit de faire dépecer la culture par des comptables gris et des calcul de communication. Le nouveau commissaire européen à la culture Tibor Navracsiscs ne pouvais pas rêver meilleur accueil. L'Europe de la Culture est en voie d'Orbanisation.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

03-Dead

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