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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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31 mai 2019

Alexandra Grimal - Nâga

Mais où était elle passée ? C'est la première question qui vient lorsqu'on pose le premier disque du double-album Nâga de la saxophoniste Alexandra Grimal. Où était-elle passée ? La réponse se dessinne alors qu'elle chante sur "Inti", dans les limbes électriques de Marc Ducret et de Jozef Dumoulin. Elle écoutait les racines des arbres, comme le suggère Marc Ducret dans un beau texte lu de Bruno Schulze... Une réminiscence de Qui Parle ?
On y pense.
Poutant, Alexandra Grimal ne nous avait pas abandonné, il y avait eu Kankû, et même Bambù, chez Ayler Records, mais c'est bien de l'Alex Grimal d'Heliopolis dont il est question ; ce projet incroyable paru en 2013 et ressorti il y a peu comme pour mieux répondre à Nâga, ou plutôt pour lui donner des racines, pour continuer à creuser un sillon qu'elle seule peut tracer.
Une route qu'elle emprunte avec la chanteuse et électronicienne Lynn Cassiers, dont on mesure l'importance dans le très beau "Noun", qui est certainement le joyau de ce double album, qui prend son temps pour installer des atours très oniriques et cependant jamais éloigné d'une certaine tradition du jazz qui s'installe souvent comme une bulle d'air qui se forme, à l'instar de "Rê", où elle dialogue en liberté avec Benoît Delbecq et Nelson Veras.
Lynn Cassiers aussi a son univers propre, et si elle intervient ici sur un champ très familier, elle n'empiète jamais sur la direction voulue par la saxophoniste, que l'on sent en pleine maîtrise.
Alexandra Grimal a donc maturé ce projet en septet depuis sept ans. Elle a étudié une approche du temps qui serait plus abstraite, végétale comme le suggère "Cambium" où elle définit parfaitement sa musique : "Jubilation, combustion, sérénité, incandescence". Des adjectifs qu'elle développe pendant tout un album qui résume en bon nombre de ses obsessions et de ses sensibilités.
Le soleil d'abord.
Omniprésent, dardant de ses rayons le magnifique "Meltemi" où le saxophone s'efface au profit du dialogue entre les musiciens, et où la présence d'Alexandra est uniquement charnelle, presque désincarnée. Dans son approche extrêmement collective bien que le projet soit très personnel, elle laisse le batteur Stéphane Galland, Benoît Delbecq et Jozef Dumoulin chauffer l'atmosphère jusqu'à parfois suffoquer. Lorsque le saxophone intervient, c'est pour chauffer un point précis, comme un vent solaire.
Ce qui tombe bien, puisque le second élément, c'est le vent.
Un vent chaud, il va de soi, comme l'était Ghibli ou Chergui que l'on sent poindre sous "Sekhmet". Un vent qui s'incarne dans le souffle du saxophone, franc, volontaire, droit et parfaitement clair.
Tous les titres de l'album on un rapport intime avec le vent et le soleil. Ce sont des divinités fortes, des représentations de mythes passés ou des manifestations magiques, et ce sont ces figures qui ont inspiré un disque d'une grande maturité et d'une grande beauté qui nous rappelle qu'Alexandra Grimal est une musicienne qui doit maîtriser ses projets et ses univers pour nous offrir le meilleur. Ce disque est un ravissement.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

01-Plage

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