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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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12 juillet 2016

Fabrice Martinez - Chut! Rebirth

Qui dit renaissance laisse entendre qu'il y eut, à un moment, naissance. Ca parait une tautologie, mais il faut bien la préciser. Et que ladite Re-naissance est en partie différente de son originale. Sinon il s'agit, au mieux, d'un prolongement.
Pour Chut!, la formation du trompettiste Fabrice Martinez, la naissance est assez récente.
Certes, il existait il y a presque dix ans un trio Chut les chiens, où on le retrouvait avec son alter-ego le clavièriste Fred Escoffier (Ukandanz)... Mais Chut! a sorti son premier album il y a trois ans.
Un album paru sur le label dématérialisé Sans Bruit qui a la bonne idée de renaître ces jours-ci. Trois ans, et pourtant une éternité dans la carrière du trompettiste. Il y a d'abord eu le Sacre du Tympan, puis la place enviée du trompettiste dans l'Orchestre National de Jazz lumineux d'Olivier Benoit. dans le même temps, Martinez a rejoint Marc Ducret pour un récent album, et Chut! proposait un nouvel épisode dématérialisé avec les concerts à emporter de l'AJMI.
De sideman reconnu, voici le charlevillais devenu un incontournable de la scène hexagonale. Et s'il fallait une renaissance, elle devait être un recentrage, ou pour le moins une synthèse de tout cela. C'est dans Rebirth qu'elle s'incarne, avec un changement dans l'orchestre : ce n'est plus Fred Pallem qui tient la basse, mais le contrebassiste Bruno Chevillon, ici à la basse électrique. C'est dans l'ONJ de Benoit que la rencontre a eu lieu, et l'on peut affirmer qu'elle change tout.
Il y a, tout de même, la relation intacte entre Fabrice Martinez et Fred Escoffier. Pas seulement  parce qu'ils signent à parité les morceaux, mais parce que c'est l'axe central, vital même de l'orchestre. Sur le beau "Derrière la colline", comme le note la très chère Anne Yven, le bugle propose, le clavier dispose, avec la base rythmique comme forteresse impavide.
Comme dans Caravaggio, auquel on pense immédiatement, Chevillon est un dynamiteur rock. Ce n'est pas un hasard si comme ici, on retrouvait le batteur Eric Echampard. On y trouvera quelques rhizomes, notamment dans "Prune" qui clôt l'album dans un déferlement d'électricité et de rythmes impairs et acrobatiques. 
Le jeu de Chevillon est plus vindicatif, plus sec que celui de Pallem, et dans l'inaugural "Rebirth", c'est cette rocaille qui donne à Chut! un caractère plus sanguin, plus électrique, quand le premier album cherchait l'ourlet, le drapé, les re-recordings. Rebirth est plus direct. Plus charnel.
Paradoxalement, l'ombre de Pallem rode sur les claviers vintage de "Aux cendres etc.", qui fait penser à quelconque giallo italien fait de vampires où autres créatures sensuelles et inquiétantes. La trompette de Martinez claque dans cet univers électrique sans référence particulière a quelconque ancêtre trompettiste-avec-de-l'électricité-en-dedans (non, vous ne voyez pas de quoi on parle, même dans "Transe"...). C'est juste une volonté de cheminer sans posture dans une fournaise urbaine et plutôt dans ses bas-quartiers. Les populaires, les relégués, les plus funky en quelque sorte.
C'est fou comme la ville influence le travail de ces membres de l'ONJ. Entre la Nouvelle-Orléans éparpillée de Dousteyssier et cette autoroute urbaine pleine de chicanes zapaïennes ("Smity") et de bâtisses éventrées (l'inquiétant "P and T"). Ils semblent très éloignés, ces disque parus sur ONJ, mais ils partent des cartes, imaginaires ou non pour conter des histoires. C'est bouillonnant et plaisant à souhait.

07-Martinez

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