Ministère des Affaires Populaires
De plus en plus, j’ai du mal avec la chanson qu’il faut aimer parce qu’on est de gauche.
Avec le truc qui passe dans les soirées et qui représente une sorte d’horizon musical indépassable parce qu’à un moment ça fait rimer insoumis avec salami.
Avec ces groupes aux vers de mirlitons revendicatifs sur fond de musique ensoleillée ou balkanisante de supermarché, ces groupes de rap soit-disant conscients qui débitent des truismes sur une musique très énervée parce qu’ils sont eux mêmes très énervées et que c’est indicible avec les mots, tu’ois.
Avec ces groupes qui fleurissent sous l’œil affable et condescendant de mélomanes de fin de meeting, celui qui a l’intégrale de Jacques Brel et une idée très arrêtée du rap. C’est insupportable à bien des points… C’est agaçant ce manque de curiosité, et même quelque part un désintérêt de la musique qui me semble incompatible avec les idéaux universels…
Mais pendant combien de temps
j’ai été le sectaire de service parce que je refusais de trouver « bien » des rockeurs nazes à cheveux sale parce qu’ils faisaient
rimer camarade avec orangeade. A une époque, il fallait absolument écouter le secteur Ä…
Mais depuis, il va bien Doc Gynéco ? Je n’ai pas de nouvelle...
Clairement, pour un Têtes Raides, combien de Tryo ? Pour un Hamé, combien de Kenny Arkana ? Surtout elle. Rien que de l’entendre, c’est simple, j’ai la courante.
Tout ça pour dire, que j’étais très méfiant en recevant le nouvel album de MAP (le Ministère des Affaires Populaires), groupe sympathique au demeurant, mais qui me semblait entrer dans la catégorie précitée, avec en plus le côté chtis qui fait
tant hilarer les blaireaux, et dont je ne mesurai pas à quel degré ils en jouaient.
On est loin du compte. C'est très bien, MAP.
Certes, il y avait la couverture réalisée par mon poto Fanch qui me rassérénait déjà un peu ; si cet inestimable garçon, nonobstant sa dévotion à Jean Ferrat, se mêlait à ce projet, cela ne pouvait être mauvais !
« Les Bronzés font du chtis », le nouvel album de MAP est une réussite. Une réussite parce qu’ils creusent un sillon personnel, original, qui mélange leur culture Kabylo-chtis, presque belge, comme ils le disent, avec un humour dévastateur, point fort de leur propos.
Malgré quelques morceaux en dessous, notamment une participation insupportable de la pontifiante Arkana, les productions sont efficaces, simples, les textes efficaces et le concept vraiment sympa, lorgnant sur un son entre rap français des origines et
petites pointes de flonflon à la Java, privilégiant le texte sur le flow. Les meilleurs passages restent cependant ceux qui se mélangent à la musique kabyle, et notamment « chouffou ma sar », joli plaidoyer émouvant qui lorgne vers le récent travail musical remarquable de Mouss et Hakim, les frangins de Zebda.
On est loin de l’Angle Mort, mais cela peut s’en rapprocher, notamment dans le beau texte "faudra faire avec", qui tranche avec le reste mais balance sec, et en règle.
Efficace.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir.