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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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1 novembre 2010

Mihaly Dresch - Sharing the Shed

On reconnait les grands labels à ceci qu'il ont de la suite dans les idées et le sens du soutien indéfectibles aux artistes dans des projets construits. A ce jeu, le prestigieux label hongrois Budapest Music Center est passé maître, à la fois dans la défense inextinguible d'une couleur tout à fait particulière sise entre la volonté d'inscrire durablement des ponts entre la musique savante occidentale et le jazz, mais aussi, à travers le festival Mediawave de Györ, dont ils sont partenaires, de dresser des ponts entre les jazzmen hongrois et les jazzmen du reste de l'Europe, voire entre la Hongrie et les Etats-unis, avant tout grâce aux rencontres d'un soir qui se veulent perdurer.
Et qui perdurent.
On en veut pour exemple l'amitié qui est né entre le batteur étasunien Hamid Drake et le contrebassiste hongrois Matyas Szandai, deux pays et deux générations aux antipodes, mais une passion commune pour le rythme et le point d'échauffement d'un groove collectif. Le premier menait des Master-Class à Györ, le second y participait en tant qu'étoile montante du jazz hongrois et se sont retrouvés dans le chouette Tartim de Viktor Toth... Pour devenir l'une des paires rythmiques les plus pétulantes du jazz contemporain, entre un batteur chevronné capable de toutes les incursions dans la Great Black Music et un jeune contrebassiste qui a le groove qui coule entre ses racines d'Europe Centrale et sa capacité à jouer tous les registre, du Be-Bop au Free le plus rageur.
Dans ce Tartim décidément fondateur, on trouvait également l'une des figures du jazz d'Europe Centrale, le saxophoniste Mihaly Dresch, auteur d'un disque remarquable avec Archie Shepp (Hungarian Be-Bop) et compagnon de route de tous les mythes fondateurs du jazz hongrois (Mihaly Borbely, Gabor Gado, Elemer Balaczs...) et fer de lance de ce qu'on appelle (pas, puisque c'est un terme tout pourri) l'ethno-jazz.
Ce sont ces trois musiciens que l'on retrouve avec "Sharing the Shed", agrémenté d'un pianiste américain trop méconnu au regard de son talent, Lafayette Gilchrist, ancien sideman de David Murray. Encore une fois cette rencontre a été provoquée au festival Mediawave, dans cette ville de Györ aujourd'hui sous les funestes "boues rouges". Encore une fois, la rencontre a été plus que fructueuse, et le disque en témoigne.
La paire rythmique mène un train d'enfer, se trouve à tout moment, et le jeu polymorphe de Gilchrist se fait complémentaire pour offrir à Dresch l'occasion de mener les débats brillamment. Gilchrist est d'ailleurs le centre de cet album, offrant à ses camarades des compositions résolument bop et diablement efficace (Shift One en ouverture, mais surtout Dried Goods, le pivot de l'album) qui permettent à Szandai de démontrer d'une technique et d'un sens du groove implacable. Je le dis depuis des mois : ce garçon est appelé à devenir l'un des plus grand contrebassiste européen dans les dix prochaines années à venir !
Si le trio basse/batterie/piano est époustouflant, il serait un comble de ne pas parler du leader au son de ténor délicat, qui semble évoluer dans ce foisonnement avec une tranquillité et une légèreté qui fluidifie le propos. Ses compositions sont fines et apaisées (Le Az Utcan...) et ses interventions à la flûte Fuhunna (énième avatar du Kaval balkanique, plus bas, et manifestement créé par Dresch lui-même) sont saignantes et à propos, en témoigne "Naiv", écrit par Dresch qui renvoie d'ailleurs l'ascenseur à Gilchrist qui s'offre là un beau solo... La fuhunna inscrit surtout une couleur d'Europe Centrale dans une formation très "américaine". C'est d'ailleur sur un morceau très inspiré par l'Orient que ce disque se termine, dans un dialogue très inspiré, et tranchant avec le reste de l'album entre Drake et Dresch, comme pour ouvrir la porte à de nouvelles collaborations. On l'attendra avec impatience !
Alors que nous allons beaucoup parler de BMC dans les semaines à venir, puisque cinq disques sont sortis coup sur coup (!), la première fournée est tout simplement excellente et mérite qu'on s'y intéresse de très près. Comme la plupart des sorties de ce beau label...

Et une photo qui n'a strictement rien à voir...

58_Errance_R_publique

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