Rémi Gaudillat - Le Chant des possibles
Compagnon de longue date du batteur Bruno Tocanne, avec qui il partage d'ailleurs son dernier album, le trompettiste Rémi Gaudillat fait partie de du collectif lyonnais Imuzzic qui défend une musique chaleureuse et libertaire dont mon camarade Denis parle toujours très bien. En témoignera la formation Libre(s) Ensemble que nous avions particulièrement aimé par ici, où l'on retrouve également le trompettiste Fred Roudet, de l'aventure de l'album d'aujourd'hui.
Gaudillat, qui a collaboré avec Cappozzo se reconnait à son timbre très doux, proche de la voix. Grand défenseur de Lester Bowie, le trompettiste a d'ailleurs fondé le groupe Docteur Lester qui rendait hommage aux fanfares iconoclastes de l'illustre membre de l'AACM. Lester Bowie, un des plus grands défricheurs de l'histoire récente qu'il conviendrait aujourd'hui de réécouter en boucle -une petite playlist en préparation ? Allez d'accord-.
C'est autour de cette formation que s'est formé le collectif "Les improfreesateurs" qui se veut, comme leur illustre icône, tout à fait syncrétique et aux confluents d'influences inombrables et entremêlées. Ici, les embouchures et les anches ont le pouvoir absolu. C'est le sujet de ce disque, Le Chant des Possibles, enregistré en quartet sur le label IMR dont chaque production est remarquée.
Avec ses quatre soufflants, la musique oscille sans cesse entre les évasions chambristes et la petite fanfare miniature, cela vous saisi par sa douceur poétique, acidulée de nostalgie.
Les timbres pastels nous content une histoire faite de strates, de petits motifs répétitifs aux mélodies simples et aux basses obstinées qui font songer parfois à des reflets Renaissance. Ainsi, dans les très beau "Envolées", la trompette de Gaudillat et le trombone de Loïc Bachevillier qu'on retrouve dans le big-band Bigre ! apportent moult détails comme autant d'ornements au pivot décidément solide de la clarinette basse.
En choisissant, dès l'ouverture de l'album ce "Jeux d'ombres" clair obscur entre le tuba de Fred Roudet, lui aussi très impliqué dans le réseau Imuzzic et la clarinette basse de Laurent Vichard, Le chant des possibles s"inscrit d'abord dans le registre des voix. Elles chantent, elle crient parfois lorsque Roudet, Gaudillat et Bachevillier viennent s'éhauffer auprès de la ligne immuable de la clarinette basse, avec parfois une pointe d'humour acide. Cet humour qui nait souvent du spleen.
Pas ce spleen ankylosant qui fait penser que le passé est trop grand pour le futur, mais une sorte de conscience du temps qui passe, illustrée par cette fenêtre de pluie qui fait la pochette de l'album. Un spleen des paysages sans fins, des déserts merveilleux ou déambule une fanfare solitaire.... Voilà ou s'en va "L'armée des poètes", d'abord dans une défiance pleine de cuivre où un ostinato vengeur avance, coulisse au fusil, avant de se déliter dans des heurts et un échange coloré entre le trombone et la clarinette basse.
Le chant de bataille dessiné par la trompette de Gaudillat sur "Rien en face" qui lui fait logiquement suite est un aplat plein de poésie sur lequel ses comparses vont dessiner peu à peu de nouveau relief. Le timbre de Gaudillat, primordial dans ce disque, fait songer parfois à Jean Méreu de l'ARFI dans cette capacité à suggérer une atmosphère en peu de notes. Voir ainsi les allures digne des vieux brass-band de Funerals dans le très beau "Lune Triste". Ce morceau final est certainement le plus inspiré d'un album qu'on écoute comme on contemple une fenêtre sur un paysage apaisant ; pluie ou non, un sourire d'aise aux lèvres .
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...