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Sun Ship
Franpi, photographe et chroniqueur musical de Rouen, aime la photo, les concerts, les photos de concerts, la bière, les photos de bière, le Nord, les photos du nord, Frank Zappa et les photos de Frank Zappa, ah, non, il est mort.
Prescripteur tyrannique et de mauvaise foi, chroniqueur musical des confins.
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2 février 2014

Duo Dabrowski Reiter - Prologue

Elise Dabrowski fait partie de ces artistes qui vous captivent à la première syllabe. Pas seulement pour cette voix puissante et précise, mais par cette manière d'occuper l'espace, de faire corps avec son instrument et de catalyser toutes les énergies pour les mettre au service de sa musique.
La reconnaissance unanime dans le milieu de la musique improvisée a beau être assez récente, les fidèles lecteurs de ce blog avait déjà eu le loisir de la découvrir ici il y a quatre ans et demi à l'occasion d'un concert où elle accompagnait le pianiste Antoine Berland et la flûtiste Sylvaine Hélary.
Ces années qui nous séparent de ce concert ont vu Elise continuer son chemin, entre le chant et la contrebasse, entre la musique classique et la musique improvisée, entre la France et l'Allemagne.
C'est tout le sujet de ce duo avec le pianiste et tromboniste Raphaël Reiter, musicien français rencontré à Berlin et avec qui elle mène la formation DDR (ça ne s'invente pas) pour Duo Dabrowski Reiter (et non pas Deutsche Demokratische Republik). Enregistré dans la capitale allemande à la fin de l'année dernière, le duo fait paraître ici un premier album, Prologue, après avoir été auréolé d'un prix SACEM au Crest Festival cet été.
Nommé Prologue, on comprend que ce disque n'est que le premier d'une longue série, tant tout semble exubérant à l'écoute de morceaux comme "Je cherche la lumière". Ce disque pose en effet les personnages. Ils sont d'une exubérance étourdissante mais jamais lassante, pleine de surprises et de fraicheur, comme ce duel "pour rire" qui illustre la pochette et qu'on imagine complice et sans vrais vainqueurs.
Un jeu faussement enfantin, comme l'atmosphère générale...
Centré sur le chant et la présence de la mezzo-soprano, dont on peut découvrir un magnifique solo ici, le duo offre pourtant de l'inventivité à parité. Certes, un morceau comme "Sans toi" permet une envolée plein d'humour dans l'univers de la contrebassiste, dans un exercice à mi-chemin entre Elise Caron et Joëlle Léandre, surtout quand "certains mots n'arrivent pas à sortir". Mais ce qui l'engendre est un dialogue doux amer entre un piano éthéré et un archet énigmatique qui assombrit la rêverie. C'est la connivence entre les deux musiciens qui offre une grande liberté à la chanteuse.
Bien sur, le son plein de sa contrebasse tellurique est le parfait contrepoint de sa voix explosive. Tout cela néanmoins est porté par les construction complexes du piano, dont les rhizomes sont plongés tout entier dans la musique écrite occidentale du XXième siècle, entre la seconde école de Vienne et Gershwin. On entrevoit d'ailleurs quelques uns des rêves bleus nuits de ce dernier au coeur de "Atem", l'un des morceaux les plus prenant de ce premier album qui s'inscrit dans la grande lignée diaboliquement tracée par des esprits frappeurs comme Irène Schweizer et Joëlle Léandre...
Lorsque Reiter est au trombone à pistons, comme dans "Le Faune", l'atmosphère est moins dense, plus fragile. Elle ressemble à deux voix qui se frottent plutôt qu'à deux blocs en symbiose. Ce sont des moments de pause, des petites anfractuosités dans la masse d'énergie d'un duo remarquable.
On se souvient d'un autre duo donné cet été par Elise avec Alexandra Grimal. Si vous n'aviez pas encore noté le nom de la contrebassiste, retenez-le.

Il deviendra incontournable.

12-Elise-D-7

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