Orioxy - Lost Children
On aime dans ces pages les groupes qui explosent les formes et les genres. Qui font pâlir tous les entomologistes et les zélateurs des barrières étanches.
Il est peu de dire ainsi que l'on aime Orioxy, petite trouvaille en provenance de Genève qui nous avait enchanté dès Tales, le premier album par son univers fort, persistant et cousu de velours. Quelque soit la couleur choisie, elle sied tout de suite à l'oreille, de la pénombre de Tales jusqu'à l'explosion de couleur de The Other Strangers.
Tentons la synthèse : Lost Children, le nouvel album du quartet est entre ces deux extrêmes, ou plutôt absolument bipolaire, pour notre grand plaisir. Passant de l'un à l'autre, dans un vertige plein de ravissement.
Les nuances de l'étrange sont le moteur à explosion d'Orioxy.
Explosion de tendresse, explosion d'innocence ou de couleurs pastel qui savent en un instant se changer en eaux fortes. Enregistré au Studio La Buissonne, il semble même que le quartet a trouvé là son langage universel, ou plutôt son biotope.
Celui-ci passe par l'explosion de la langue, ou des langues plutôt, de l'anglais à l'hébreu, qui brassent la voix profonde de la chanteuse Yael Miller et donnent à l'atmosphère d'Orioxy ce tanin d'inédit qui rend cette musique addictive et familière. La chanteuse est incroyable : elle sussure où s'emporte parfois dans la même phrase, sans perdre en cohérence. Avec la harpiste Julie Campiche, elle est l'âme d'Orioxy, une petite voix intérieure qui du calme au tumulte reste absolument charmante, au sens féérique du terme.
Il y a l'explosion des formes enfin, qui semblent traverser chaque album du quartet sans se soucier des étiquettes : une pop dentelée par la basse de Manu Hagmann qui regarderait plutôt du côté du jazz. Inclassable, c'est évident ; et d'autant plus libre, mécaniquement.
Après avoir été dressé des paysages nocturnes et luxuriants dans leur deux précédents albums, des paysages d'enfance baigné d'une imagination envahissante, Orioxy s'attache avec Lost Children à parfaire son univers de fourmillants détails.
Voire à le mettre en mouvement, comme on anime de la pâte à modeler : image par image, gestes par gestes, pour définir un mouvement fluide et naturel .
On traverse d'abord le miroir avec « Amor Fati » par une échelle de corde tendue sur la harpe mutante de Julie Campiche qui sait si bien se farder d'électronique et devise aussi bien avec une contrebasse qu'avec un instrument-jouet.
Elle est incroyable Julie, on sent une intense jubilation à jouer de cette harpe ainsi chargée de sortilège ; la jubilation est contagieuse ; elle est aussi diablement efficace.
La Magie de la voix fait le reste.
L'enfant perdu d'Orioxy ne manque pourtant pas d'un certain sens de l'orientation et l'on déambule avec lui dans la multitude de tableau que le disque révèle : zéphyr de rythmes et frôlement d'archet dans le contemplatif « Princeless » ou gros temps de pluies acides sur le rocailleux « Old World » qui permet de rappeler que la harpe n'a pas seulement le registre éthéré dans lequel on veut trop souvent confortablement le ranger.
La dernière création d'Orioxy est comme tous les enfants. turbulent et folâtre, rêveur et craintif, plein de rêve et d'espoir.
Si vous ne vous envolez pas dans les nuages à l'écoute de la reprise aérienne de « Blackbird » des Beatles, un seul conseil : plongez-vous avec Orioxy au coeur de Lost Children. Il y a peu de de chance que vos ailes soient déposées longtemps au crochet du Rationel.
Une partie de ce texte a été confie à Orioxy pour la promo du disque, elle a donc été écrite largement en amont de sa sortie.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...