Petros Klampanis - Minor Dispute
Petros Klampanis fait partie de cette famille de musiciens européens qui se sont installé à New-York pour y multiplier les rencontres, y parfaire leurs études où pour mener des projets de grande envergure. Repéré par le saxophoniste Greg Osby, il multiplie les rencontres avec d'autres expatriés, parmi lesquels le pianiste Jean-Michel Pilc, que l'on retrouve ici, et des musiciens américains attirés par la musique européenne comme le batteur Ari Hoenig.
Même s'il reste peu connu de ce côté-ci de l'Atlantique, le contrebassiste a pu faire montre de son jeu sobre et puissant dans un premier album, Contextual, qui lui a valu de nombreux commentaires élogieux, de Drew Gress notamment. Dans ce premier album, il croisait déjà de nombreuses cordes, violons, alto et violoncelle.
Avec Minor Dispute, le premier album "européen" de Petros Klampanis, c'est à nouveau avec un quatuor à cordes qu'il confronte son quartet. Aux côtés du très percussionniste pianiste Jean-Michel Pilc, on retrouve un batteur américain très sensible et coloriste, John Hadfield, très actif sur la scène New-Yorkaise, et le guitariste israëlien Gilad Hekselman. Ces cordes ne sont pas là "pour faire joli" à force de mousse et de de clinquant.
Les deux violonistes Maria Manousaki et Megan Gould, comme le violoncelliste Yoad Nir s'intègre parfaitement à l'ensemble et permettent à Petros Klampanis d'assumer à la fois songoût pour un jazz de facture assez classique et une musique écrite occidentale qui le taraude ; une musique baigné dans les balkans qui l'ont vu grandir et offre à cet album un climat lumineux voire torride.
C'est patent dans le très beau "Monkey Business". Le piano de Pilc propose un thème simple, de ligne assez clair que la guitare fait sienne, accompagné d'une masse de cordes comme un étourdissement.
Evacuons très vite le jeu d'apparence sans aspérité de Gilad Hekselman. C'est vrai que dans "Minor Dispute", son registre peut s'avérer assez rebutant, mais très vite, on comprend qu'il est là pour garder une ligne qui permet à tous les autres de gambader joyeusement dans les arrangements luxueux du contrebassiste.
Dans "Monkey Business" et encore plus dans "March of The Sad Ones" aux accents clairement méditerranéens, en tout cas solaire, il sait mettre un peu de scorie dans son jeu trop limpide.
Au milieu de cela, Klampanis est un messager, un liant. A l'archet, il se fond et donne de l'élan à la rencontre. A l'archet, il complète le quatuor pour lui donner de la gravité, chante les thèmes. En pizzicatis, qu'il veut ténébreux et là aussi sondant les profondeurs, il se fait tour à tour la rampe de lancement de chacun des solistes. Un ordonnanceur du mouvement donné à ce mariage entre balkans et jazz vu par un prisme intime, lié à son propre déracinement.
Car la grande qualité de Klampanis, et elle éclate ici avec force, c'est la composition et l'arrangement. C'est même ce qui donne à Minor Dispute sorti chez Cristal Records toute sa singularité.
L'arrangement surtout. Kamplanis a travaillé avec de nombreux orchestres symphoniques en Europe (Lituanie et bien sur Grèce), notamment autour du traditionnel grec "Thalassaki" que l'on peut considérer comme un morceau fétiche. On le trouvait déjà dans son premier album, mais il prend ici une dimension encore plus bouleversante.
Il y a d'abord ce thème entêtant, celui-là même qui illuminait l'album d'Odeia et qui symbolise la beauté de la Grèce et de ses mers (Thallassaki). Le bois de la contrebasse légèrement frappé, les cordes qui s'enlacent et une magie qui s'installe. C'est le morceau évidemment, avec tout ce qu'il a comme symbolique dans ces temps troublés, mais aussi une dynamique d'ensemble époustouflante.
Belle découverte d'un disque simple et beaucoup plus profond qu'il n'y paraît à la première écoute.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...