MarsaFouty - Concerts
Voilà quelque temps que nous évoquons en ces pages le travail remarquable de Jean-Marc Foussat, tant pour ses remarquables enregistrements et ses archives qu'il ouvre au compte goutte pour le bonheur de tous (on pense notamment à ça ou ça, mais aussi à quelques galettes à venir...) sur son label Fou Records que pour son implication dans la musique improvisée actuelle, en témoigne le récent album CUIR avec la bande de Jean-Brice Godet.
Jean-Marc Foussat est un ingénieur du son hors-pair, c'est chose entendue, mais il se double d'un musicien sensible derrière ses machines : des synthétiseurs vintage, des micros... Ou tout simplement comme ici un dispositif électro-acoustique qui permet de malaxer les sons, d'en créer d'outre terre ou de sensiblement modifier les timbres de ses comparses. C'est tout l'enjeu de sa rencontre avec le contrebassiste Fred Marty dont nous avions tant aimé les Ondes Primitives...
Le bois et l'électricité, les boyaux des cordes et les fils des microphone, tout pourrait on dire à l'état naturel, brut, et pas seulement de décoffrage. Voilà l'environnement dans lequel nous convie le duo MarsaFouty, non choisi pour mieux souligner l'intrication des deux musiciens et leur unité pour courir vers l'inconnu.
Concerts porte évidemment bien son nom. Pas la peine d'explications, celles de l'ami Guy Sitruk dans les notes de pochette suffisent à elles-mêmes. Les deux longues plages d'une demi-heure chacune constituent deux lieux, deux concerts, deux rencontres qui font suite à une première discussion né dans les Jazz@Home de Bertrand Gastaut.
Les titres sont des adresses. Des lieux, des atmosphères, des instants.
Dans cette musique qui vous balance dans l'imaginaire à peine a-t-elle commencée, ce sont des données importantes, qui nous relient à une réalité ; celle-ci est lointaine : un chien qui aboie, un souffle, une porte qui grince et claque et devient rythme... A moins que ce ne soit les baguettes de Marty qui donnent ce son si particulier à sa contrebasse.
L'avenir, c'est à dire le son à venir,nous le dira
Il y a une écoute mutuelle, c'est l'évidence, entre les deux musiciens. Elle est exacerbée, mimétique, sur le constant qui-vive. Mais il y a aussi une gourmandise des sons. De se laisser traverser par eux, de leur donner un souffle de vie et de les regarder évoluer dans l'espace du concert pour se donner d'autres allures et se confondre.
Passez cet instant, perdez tous repères.
Ce n'est pas seulement une injonction, c'est une absolue nécessité. L'enregistrement est d'une telle profondeur qu'il faut s'y jeter tout entier, les yeux fermés et se laisser balloter par ce cinéma pour les oreilles. On y croise des abysses de grésillements et des cordes qui sifflent, des voix étouffées comme dans un rêve et du bois qui sonne comme des torrents en furie.
Parfois, on croit reconnaître quelques thèmes dans la magie d'un archet, mais ceux-ci se délitent comme dans une flaque d'acide. Il y a un malin plaisir à se laisser envelopper par le son, à laisser les images mentales nous envahir par l'oreille comme s'il s'agissait d'un psychotrope quelconque.
Dans cette atmosphère ultra-scénarisée, rien ne parait factice. Le monde créé par les deux musicien vit sa vie propre, entre chaos et concorde. Dans "99 rue du ruisseau", il est touffu, inquiétant, sombre. Dans "Tiasci", il est plus chaleureux et est traversé par des lumières aveuglantes. Dans les deux cas, on ressort lessivé et heureux d'une telle confrontation.
Une expérience indispensable...
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...