Open Field + Burton Greene - Flower Stalk
La notion d'ouverture et de mélange chère au trio portugais Open Field n'est pas un vain mot. Entre l'alto de João Camões et la guitare de Marcelo dos Reis passent de nombreuses grammaires. Le guitariste portugais est un musicien à suivre ; on reparlera bientôt sur Citizen Jazz de Chamber 4, sa rencontre avec les frères Ceccaldi. Ici, il est aussi affaire de cordes... Y compris celles du piano !
Ces grammaires, on les distingue toutes, malgré leur dédale, de la musique atonale jusqu'aux traditions européennes d'origine brassées, andalouses ou balkaniques, toutes enfilées dans le chas du détroit de Gibraltar et guidées par la fermeté de la contrebasse de José Miguel Pereira.
La rencontre avec le pianiste Burton Greene, célébrée sur le nouveau label lusitanien Cipsela, résonne comme une évidence. Fondateur du Free Form Improvisation Ensemble avec Alan Silva en 1963, il est une véritable légende de la musique en liberté. Il a lui même investi maintes esthétiques, du Free Jazz en devenir (son quartet avec Henry Grimes, fait partie des précurseurs) aux recherches de ses racines moldaves avec son orchestre klezmokum.
C'est donc sur ce terrain aux surfaces multiples que se situe Flower Stalk, fruit d'une session de studio quelques mois après leur premier concert en 2011 au conservatoire de Coimbra. « Rising Intensity » débute l'album sur un hommage à Alan Silva ; Camões, central sans être directif va gratter au plus profond d'un piano préparé avec minutie.
Effectivement l'intensité monte, par vagues successives, émergentes, où chacun vient s'agréger pour former un propos collectif à la tension omniprésente. C'est dos Reis qui fera basculer l'improvisation dans une atmosphère beaucoup plus fébrile qui progresse par fulgurances, jusqu'à cet échange enflammé entre archets au milieu des coups de boutoir des basses du clavier.
La force de Burton est d'amalgamer à merveille son jeu à la rudesse du trio. Ainsi « On The Edge », où l'alto se fait léger et malicieux, le piano rappelle à qui veut l'entendre qu'il est aussi doté de cordes et que celles-ci peuvent être frappées, étouffées ou pincées à l'envi.
Jamais pourtant le pianiste ne noie sa propre identité comme l'affirme le solo « Greene Hands » où quelques esprits sont convoquées parmi ceux qui l'influencèrent, de Bud Powell à Cecil Taylor.
Dans l'ultime morceau « Ancient Shit », les générations se retrouvent dans une évocation d'un folklore imaginaire où le guitariste donne de la voix quand Camões se saisit de cet instrument à anches que les turcs nomment mey et les arméniens duduk.
Une belle rencontre entre explorateurs qui, après le disque de Carlos Zíngaro (nous l'évoquions ici) confirme les promesses d'un jeune label à suivre.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...