Ils sont Partis
Depuis quelques heures, Rouen a repris son visage, il n'y a plus de mats qui dépassent, plus de benêts avides de chapeaux publicitaires à l'effigie de la Matmut, plus de bruits lancinants d'hélicoptères stationnaires goinfres d'essence pour surveiller une manifestation avec des bateaux qui se targuent de respecter le protocole de Kyoto. Oui, c'est aussi ridicule que de faire des sandwiches bio aux 24h motonautiques.
C'en est fini de cette manifestation qui me laisse pantois, voir des bateaux arrêtés aux milieux des invasions de témoins de Jéhova, venus vendre leur camelote sans que la maréchaussée n'intervienne...
Rouen a repris sa petite marche silencieuse, mais ce n'est pas ça qui me réjouit, cet immobilisme sournois m'a toujours agacé, mais j'aimerai tellement que ma ville bouge un peu tous les jours ou pour des choses qui sortent un peu de l'ordinaire, plutôt que de faire du moutonnesque tous les cinq ans, qu'elle fasse plus de cas de sa scène, plutôt que de vouloir garnir sa Seine de majestueuses coquilles que je trouve amputées, comme punies dans le Petit Bassin. Et quant à la scène, que tchi, on va chercher des vieilles momies sur le retour et des rockeurs piquants comme de la grenadine en laissant les rogatons aux artistes du cru qui sont pourtant vivaces.
Ne soyons pas méchants, quelques collectivités sur des scènes annexes avait joué correctement le jeu. Mais sur la grande scène, pour une maison Tellier, Ou étaient Nina Bobsing, Le Baluch'trad, La Soucoupe Cassée, Steeple Remove, The Elektrocution, et même Tahiti 80 ? Alors que la plupart des gens venaient hors de Rouen, où est la politique de promotion des artistes du cru ? mais c'est vrai que vu la moyenne d'âge, il valait mieux Auffray, le type auquel je ne pardonnerai jamais les multiples adaptation moisies des poésies de Bob Dylan...
Que j'aimerai tant que Rouen soit célébrée pour ce qu'elle est, cette ville ouvrière franche et multiple, ce creuset réputé d'artiste, ces rues de vieilles pierres... Plutôt que cette honte des usines, ce quartier muséal coincé comme une rosière et cette volonté absolument mortifère de vouloir faire du moche sur la Seine en croyant faire du populaire.
En clair, je voudrai un vrai festival de musique, la fierté rendu à son Opéra, des travaux de plasticiens auprès de la Cathédrale qui change des "pixels" qui ont un peu vécu, et qu'on se rapproprie la Seine et son Histoire plutôt qu'en faire un disneyland de bateaux de bois ou d'abrutis qui tournent pendant 24h. J'ai essayé de m'intéresser à ma ville pendant la dictature des bateaux... Mais où étaient par exemple les terrasses du Jeudi ? N'y avait-il pas de Rouennais qui souhaitaient passer un moment en dehors des bateaux ? Pourtant j'en ai vu plein, et pas seulement de ma coterie !
Je vais encore passer pour l'aigri de service, mais j'ai essayé de vivre une armada autrement... Deux jours d'euphorie mais ce n'était pas possible : les bateaux ont agi comme un trou noir sur les autres coins de la ville...
Alors voilà, la dernière photo, les quais délestées des bateaux, des quais qui devraient s'inspirer de Toulouse, Budapest ou Londres pour faire revivre ses berges plutôt que d'inventer un passé qui n'existe pas...
Y'a du boulot.