J'entends plus la Clarinette
Ce soir, en passant le pont que je passe bientôt depuis plus d'un an, heureux piéton de moi-même qui rentrait chez lui pour sa cure d'Internet et de disques, j'ai été pris d'un sourire, d'une espèce de fragrance guillerette, fugace, en regardant la Seine et le ciel grisouille et plombé à la lumière désespérante.
Guilleret parce que la musique que j'écoutais était belle, que je rentrais à pied, que les gens que je croisais semblaient avoir le sourire malgré tout et que, l'air de rien, je sentais que rien, absolument rien ne pouvait m'ôter cette bonne humeur. Bon, disons-le, c'est rare, et la clarinette magnifique de Jean-Marc Foltz n'y était pas complètement étrangère... Près de la berge aménagée, celle qui compte, celle qui borde la bonbonnière muséale, et qui fait face au parking bosselé et sauvage, il y avait des joggers, des vélos...
Et là, les gesticulations de Lefuneste m'ont tout terni la rêverie.
Comment c'est possible que ça marche encore ? Quel est la force pavlovienne du journaliste de cour pour relayer cette propagande sans sourciller ?
C'est magique, c'est comme Haneke gagnant un prix décerné par Huppert : on s'y attend tellement que quand ça arrive, on s'étonne de ne pas avoir à s'étonner. Il y a des élections ? Il y a de l'insécurité. On est élu ? fini les plaintes. Ca marche depuis sept ans. Ca marche depuis soixante ans, ça marche depuis toujours. Les agressions dans les écoles maintenant... Et les portiques-à-piercings pour 1(9)84 établissements qui seront surement choisi sans discriminations sociales et qui discréditeront encore un peu plus le savoir.
C'est tellement ringard, le savoir !
Pour répondre au devoir de philo d'une farouche blogueuse, citons Pythagore : "La jeunesse ressemble à tout ce qui s'accroit, la vieillesse à tout ce qui décroit". Chez nous ce sont les vieux qui s'accroissent. L'avenir est il donc aussi gris que la Seine qui charrie ses oléagineux ?
Le silence assourdissant des chaussons a remplacé les bruits de bottes, à dit quelqu'un d'inspiré dont je ne me souviens plus le nom.
J'ai décidé ce soir que ça ne me gâchera pas la Clarinette.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir