Miroslav Vitous - Remembering Weather report
Un disque de Miroslav Vitous est toujours un évènement. Accompagné de son quartet habituel, auquel s'ajoute Michel Portal, le contrebassiste revient sur son aventure avec Weather Report, dans un disque remarquable à la fois par son esthétisme que parce qu'il évoque des sentiers herbeux qui rejoignent des voies musicales réputées divergentes...
Miroslav Vitous est une légende, au même titre que son "ennemi intime" Zawinul trop tôt disparu l'année dernière. Une légende un peu laissée de côté, peut être, dans les histoires officielles et qui fut bien pourtant le premier bassiste de Weather Report, époque "I sing the body electric". Une musique qui se définit dans son abstraction compacte comme conversationnelle, qui offre la liberté et la nécessité de cohésion.
Défenseur d'un jazz en mouvement, virtuose de la contrebasse, Vitous est un musicien intransigeant, venu de Prague où il a développé cette fantastique technique d'archet qui le caractérise, dont le propos a toujours été plus libre, plus marquée encore par les formes de la musique savante européenne (en témoigne le fabuleux morceaux "When Dvorak meets Miles" sur l'album) que son comparse autrichien qui les a toujours fondu dans sa fascination pour les rhizomes de la musique africaine-américaine.
C'est toute cette histoire qui précède ce disque sorti chez ECM, où le choix artistique est réhaussé par des musiciens remarquables. Parmi eux, le batteur Gerald Cleaver, compagnon de route de Malaby entre autre, formidable dans son architecture rythmique ou encore le trompettiste Franco Ambrosetti, remarquable dans son jeu de rupture et de ponctuation, et lui aussi authentique pointure. Faisant fi d'une fusion défendue par Zawinul, la conception d'un Weather Report réécrit par le seul Vitous se rapproche d'une vision très esthétique des envolées d'Ornette Coleman. L'ouverture de l'album qui rend hommage à Wayne Shorter, l'autre comparse, ainsi qu'une magnifique interprétation du Lonely Woman d'Ornette est patent. Débarassé de l'électricité, le chant du corps se libère et s'incarne
A ce titre, la présence d'un Portal à la Clarinette basse économe et manifestement transportée par le projet est une sorte de trait d'union avec la Free Music de Chateauvallon qui est à lui seul d'une remarquable clairvoyance. Il suffit d'écouter le duo, terrible, entre Vitous et le bayonnais pour s'en convaincre. Ce disque capiteux est un indispensable.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...