Grandir à l'envers de rien - Lola Lafon
J'ai déjà dit plus bas, un jour où l'agacement rayait mon clavier que plus ça allait, plus j'aimais la chanson qui fermait sa gueule ; la musique instrumentale toute seule qui fait voyager la tête ou bien danser les pieds ; les voix comme instrument.
En entendant la production actuelle, j'ai toujours du mal à me dire que "L'effet Papillon" est une chanson engagée qui dénonce grave ou qui mord la main des puissants et que les collages de mots compliqués de bonimenteurs maniérés ou de dandys mités à moustache annonés sur des synthés aussi pauvres que snobinards sont des poètes incontournables...
Jeudi dernier, on me met dans les mains le dernier album de Jean Corti, qui invite plein de gens, c'est la mode, pour rendre hommage à la carrière de ce magnifique accordéoniste... Peu de surprise : Olivier, Lantoine, ceux qui ont la plume qui se mérite...
Et puis Lola Lafon sur la neuvième piste.
Lola qui reprend "Göttingen" de Barbara, émotion à fleur de micro, légère amertume pour une des plus belles chanson française. Lola Lafon qui avec quelques autres me réconcilie avec le verbe.
"Grandir à l'envers de rien" est pour l'instant le seul album de Lola Lafon, qui était en studio en mai dernier. Ecrivain, chanteuse, danseuse, Lola Lafon a la parole franche et le regard désabusé des observateurs circonspects de la marche du monde. Ses textes sont puissants et politiques, avec une pointe d'humour amer qui aiguise la révolte en l'habillant de recul. Les textes de Lola Lafon sont magnifiques, sans chercher l'esbrouffe ou la posture. Directs et Volatiles.
La musique de Lola Lafon et de son groupe, Leva, est très inspiré de sa jeunesse roumaine, allant chercher dans les Balkans un doux bordel fait de souvenir et d'électricité, d'électronique et de paroles entremêlées acide comme un mauvais métal. Dans ce mélange, la parole est en avant mais chaloupe au gré des voyages et des rencontres, la voix qui à de l'âme et la classe des mots. Lola Lafon écrit aussi bien qu'elle chante, porté par une musique nomade...
La première écoute de l'album est un poignard, il pénètre, il fouille, il cherche direct à toucher les parties sensibles des restes d'âmes de ceux qui ne sont pas complétement morts. La puissance de chansons comme "Décongèle tes rêves" (mais quel titre !) ou "Drôle de rage" pour en sentir la force. Celle d'une chanson française qui ne se résoud pas à aimer la paix pour être contre la guerre...
Il faut écouter "Complétement à l'ouest" (ici chanté avec Loïc Lantoine, on ne se refait pas) pour apprécier la puissance du verbe, et pour comprendre, enfin, que ce sera long d'attendre le second album...
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...