Alexis Thérain - Temps Mosaïque
Les albums solo de guitariste sont toujours des albums sur le fil, un peu casse-gueule, de peur sans doute de finir à bavarder voir à soliloquer entre technique et démonstration. S'il n'existe pas d'enregistrement commercialisé de cet exercice, l'un des plus beau solo de guitare qu'il me fut donné d'entendre fut celui de David Chevallier, il y a quelques années...
Quand ce solo est réussi, et ce disque de 2007 du guitariste Alexis Thérain l'est incontestablement, il permet d'ouvrir un monde très expressionniste, un voyage entre les cordes qui frappent le bois, une collection d'impression dans le glissement des doigts sur le métal, et une foultitude de détail qui laisse rêveur quand à la qualité exceptionnelle de la prise de son...
Alexis Thérain est un guitariste qui, après avoir été sociètaire du second ONJ de Barthélémy, participe aux aventures de Yolk et notamment du Gros Cube et du trio de Geoffroy Tamisier. Entendre Alexis Thérain dans le dernier disque d'Alban Darche, apportant une nouvelle voie au trio sous forme d'échappée belle m'ont fait ressortir cette galette qui est également sorti chez Yolk.
"Temps Mosaïque" est un voyage intime qui se fait sans artifice. Aucune volonté d'esbrouffe dans le jeu détendu de Thérain, qui ne cherche jamais à sortir du registre de l'impression, de l'évocation d'une temporalité propre. Le son est brut, les cordes scuptent le silence entre langueur et nouveaux horizons.
Le voyage est là ; mais il n'y a pas de fanfreluches de bohème. Le temps est froid, il alterne entre le sec et le pluvieux comme entre la guitare sèche et une électricité mesurée. Les deux atmosphères ne se croisent qu'une seule fois dans un overdub unique sur un titre, "Limousine". Une limousine aussi luxueuse qu'usée par le temps et la route. La mosaïque se scelle, entre jeu de mots en morne plaine comme dans le morceau "Vers l'aisne" et errance comme dans le morceau "Calme".
Errance, le mot est lâché. Le disque de Thérain évoque tant par son esthétique musicale que par la pochette l'Errance chère à Depardon, ce temps suspendu et contrasté entre solitude et ouverture sur le monde, entre vide et graphisme, entre abandon et construction rigoureuse.
Un vrai temps mosaïque...
Et une photo qui n'a strictement rien à voir ? A vous de me le dire...