Max Roach & Archie Shepp - The Long March
Passer le premier janvier, toujours propice aux temps un peu "entre-deux" entre le jour et la nuit, en compagnie de ces deux géants que sont le batteur mythique Max Roach et le nom moins digne de l'olympe saxophoniste Archie Shepp est un bonheur délicieux que nous offre une fois de plus Hat-Hut en rééditant "The Long March", duo enregistré à Willisau en 1979, disque qui se révèle toujours, après sa quatrième réédition depuis 30 ans, d'une résolue modernité et d'une effarante puissance.
Évidemment, le réflexe premier de de comparer ce disque à celui, également sorti chez Hat-Hut, enregistré la veille (le concert avec Shepp est le 31 août) et en duo également dans la même petite ville suisse avec Anthony Braxton. Arrêtons tout de suite la comparaison, car ces deux concerts, si l'on en exclue l'exceptionnelle qualité, sont résolument différents.
Le duo avec Braxton recherche l'abstraction et la perpétuation du souvenir de Parker, lorgnant vers les musiques savantes européennes et les musiques improvisées qui ont toujours animé le multianchiste et qui font partie de la palette protéiforme du batteur.
Il s'agit bien plutôt avec Shepp de prendre le jazz à bras le corps entre exacerbations politiques des thèmes récurrents de la Great Black Music - le jeu de Roach, plus cogneur, moins coloriste s'en ressent- et l'évocation mélancolique et presque messianique de standards habité, comme cette évocation belle à pleurer d'Ellington dans Sophisticated Lady où le souffle sabloneux de Shepp donne une profondeur au morceau, ou encore cette vision en apesanteur de Giant Steps de Coltrane où le saxophoniste semble seul au milieu des étoiles-.
Ce qui est tout à fait troublant dans ce disque, c'est l'équilibre entre les pièces en solo et les deux longues pièces pivots de ce double album où l'émulation de ces deux grands solistes donnent des miracles. The long March, écrit par Roach et qui donne le titre à l'album s'illustre par une vraie puissance, un vrai dialogue s'instaure et délivre un discours radical et politique. Le long solo d'ouverture de Roach en est d'ailleurs la marque ; un Roach des grands jours, dominant de ses baguettes un jazz dont il aura habité bien des styles... Un disque absolument indispensable.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...