Edouard Ferlet - Filigrane
Peut être est il un petit peu agaçant d’accoler l’épithète « élégant »
à la musique d’Edouard Ferlet, et de ne pas chercher plus loin d’autres
termes… Mais c’est pourtant une évidence que sa musique, qu’elle
soit en leader ou avec son alter égo contrebassiste Jean-Philippe Viret, son
jeu de piano reste l’un des plus gracieux de la scène jazz française
actuelle.
Repéré en 2003 sur le label Sketch avec un très bel album solo, « Par
tous les temps », Ferlet n’a eu de cesse de se faire remarquer pour
son écriture et son toucher gracile, impressionniste et ouaté. Dans chacun de ses moceaux, il lorgne à la
fois sur un jazz cinématique contemporain mâtiné d’accords complexes et
poétiques qui évoquent à la fois Dutilleux ou Koechlin…
Le jeu de Ferlet semble toujours, avec simplicité déconcertante et
sans esbroufe, installer une atmosphère, une couleur particulière qui se
retrouve tout au long de l’album.
Filigrane porte bien son titre, tout
ici semble être une ligne de demi-teinte, un faux-semblant poétique qui oscille
entre l’abstraction méditative de « Bords Perdus » ou le piano
semble soliloquer avec les peaux effleurées du batteur Fabrice Moreau, un
habitué de De Chassy que l’on a pu entendre récemment dans le fameux quartet de
Viret, et la légèreté poudreuse de "La fable du grimoire".
Dans son précédent album, l’écharpe d’Iris, l’un des
tout premiers albums du label Melisse, le quartet de Ferlet, avec le son plus
dur du batteur Xavier Desandre-Navarre se terminait par la voix chuchoté d’une
gamine dans une douceur d’accords. C’est un peu ainsi que début « Filigrane »,
le dernier album de Ferlet dont le quartet a considérablement évolué. Entre celui de « L’écharpe » et celui de « filigrane »,
il a des points communs comme une formation sans contrebasse, pour exprimer certainement un autre propos que cette relation forte avec Viret.
On retrouve également
les voix étouffées et chuchotées des musiciens qui chantonnent au milieu des
balais de Moreau sur « La fable du grimoire », avant que lui-même ne
chante dans le très beau « Je viens d’apprendre »… Mais
ce sont les deux soufflantes, avec le beau son de trompette d’Airelle
Besson, aperçue dans le « Gros Cube » et qui fait des miracles sur « La
fable du grimoire » et la toujours talentueuse Alexandra Grimal,
remarquable sur « interchange », dont le son très pur de ses
saxophones…
En résulte un disque très beau, éthéré et onirique qui s’écoule,
onctueuse, au gré d’un album réussi.
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...