Entropie de Damidot
Je ne traine jamais dans les machins de décoration et les discussions sur la nécessité de savoir si le mur face à la fenêtre doit être taupe ou vert amande à moins bien sur qu'un vermillon vienne réveiller les dimensions de la pièce (que l'on pourrait casser par un parement crème) m'ennuie autant qu'un échange épique sur les règlements par effet de commerce entre contrôleurs de gestion.
En fait, je ne suis même pas persuadé que ça ne m'intéresserai pas même un peu plus.
Pire, peut être, il y a cette sensation de l'originalité contrainte, de ces objets censément singuliers qui se trouvent chez tout le monde. Une des expériences les plus pénibles est de se promener dans les allées d'un supermarché du design besogneux et d'avoir l'impression d'être à la fois chez tout le monde et personne, le tout sans une furieuse envie de se coller une balle dans la bouche. Le pire, je le crains, restent les stickers, sorte de comble de l'illusion de mode affichée par une émission de M6, c'est dire son haut degré de raffinement.
Ce matin, alors que je baguenaudais dans un supermarché à la recherche d'œufs (oui, car je mange des œufs, je sais, c'est palpitant), voilà que je me retrouve dans le rayon décoration (où ne se trouvaient pas les œufs, j'en conviens). C'est là que j'ai découvert cette chose. Enfin pas celle-ci en particulier, mais un stickers "fausse bibliothèque" approchant, qui se colle au mur et donne l'illusion d'avoir des livres chez soi. Des livres neutres et bien rangés, sans le plaisir du disparate, de l'entropie et du bordel.
Il est, à n'en pas douter, quelques cuistres en vogue que cela doit intéresser. Cependant je me demande par quel processus de réflexion on en arrive à avoir l'idée saugrenue de coller un stickers représentant des livres et l'illusion "du savoir" autocollante plutôt qu'une énième étagère branlante remplit à ras-bord de ces amis encombrant et écorné mais au combien chaleureux que sont les bouquins ou les disques ? Quel fabuleux cynisme étreint celui qui un jour a eu l'idée de photographier une bibliothèque proprette et vaguement floutée pour qu'aucune tranche ne soit visible et la vendre en stickers pour décorateurs illettrés ?
La première chose que je regarde quand je vais chez les gens, avant même de m'apercevoir du mur "coquille d'œuf et de sa frise "poussin mort", ce sont les disques et les livres. Autant dire qu'avec ce genre d'artifice, l'a-priori sera encore plus définitif que d'habitude... ;-)
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...