Vendée
Pour différentes raisons, je suis attaché à la Vendée, parce que j'y ai des souvenirs d'enfance, des odeurs familières et des envies régulière de ballades sur la plage, au plus près de la mer, en hiver (la période que je préfère).
J'étais en Vendée en 1999, lors de la fameuse tempête, et je me rappelle des dégâts, des pins éclatés au sol et du temps passé sur la plage à guetter les ravages de l'Erika sur les rochers et le sable. Il n'y avait pas eu autant de morts, mais c'est la mer qui a tué, pas le vent. C'est une magnifique porte ouverte, mais l'urbanisation délirante de la côte vendéenne depuis 10 ans, le vieillissement des infrastructures de digues et d'enrochement, les projets pharaoniques de port ou de marina au détriment de la nature et de la pèche traditionnelle se payent toujours un jour ; comme souvent, ce ne sont pas les promoteurs qui ont morflé, ce sont les habitants, à qui ont a fait miroiter le bonheur à pas cher, mais surtout bien rentable.
Peu importe le lieu, pourvu qu'on vous donne le rêve, comme des farines animales à des bestiaux stressés. Et tant pis si la mer ne sera jamais une virgule d'ajustement et qu'elle ira là où elle veut...
Dans ce désastre, notre président bien aimé l'autre est allé faire son pèlerinage avec l'air grave et le pardessus compassionnel de l'homme d'état. Après la tempête, on a toujours la petite larme à écraser et le couplet du plus jamais ça. La rouspétance comminatoire contre les affreux promoteurs qui ne respectent pas une loi littorale qu'on appelait à assouplir il y a deux ans et la découverte après coups d'un rapport opportun qui disait avant l'heure ce qu'on constate après coup. C'est télégénique la colère, et le compassionnel ça fait du bulletin vote à pas cher. Néron sur sa colline aura fait le même coup pour la-crise-vous-parle-à-20-heures. On pourrait d'ailleurs dire la même chose pour la Culture et pour tous les secteurs ravagés par l'horreur économique : on attend que ce soit dévasté et on fait un projet de loi inutile avec la main sur le cœur et la larme dans la télévision.
La télévision, elle aussi, joue bien son rôle. Le formidable journaliste belge Alain Gerlache le résumait très bien dans une récente réflexion sur twitter : "Lors d'événement
comme la snowpocalypse en Belgique les JT servent moins a informer qu'a
partager un sentiment d'appartenance collective." Le journal de France 2 d'hier, en a fait des tonnes et n'a pas fait autre chose que du compassionnel bruyant notamment en battant l'appel aux dons pour aider les sinistrés.
Moi qui pensait bêtement que je payais des impôts pour ça, et pas pour engraisser des actionnaires pour qui on trouve toujours de la maille... Ca doit être parce que je n'y connais rien avec ma musique de dégénéré !
Je n'ai pas vu les dégâts récents dans le village maternel, mais de ce que l'on m'a raconté, des photos que j'ai pu voir par Internet, la mer a repris ses droits, comme elle le fait de manière moins spectaculaire mais tout aussi ravageuse à long terme en élimant peu à peu l'enrochement des dunes sur lesquels sont construit les premières maisons ; celles qui se sont construites en dernier, les plus m'as-tu-vu, celles qui se drapent de baies face à la mer qui se font bouffer à petit feu par le sel et les embruns. Celles qui enlaidissent une côte de lumière... Bref celles qui font la prime à la vue, mais qui n'aiment pas la mer. La colère, sans doute passera, et lorsqu'une autre plaie télégénique s'ouvrira pour du sang et des larmes, on laissera les victimes à leurs parpaings. Comme dans les Landes.