La Cour
Ca faisait longtemps que l'on n'avait pas parlé des tribulations de notre ministre en papier-bible, qui il est vrai se tient un peu en retrait depuis un départ tonitruant. Entre son amour crié à Alain Souchon et sa défense d'un cinéaste sur le retour enfermé dans un chalet de luxe à Gstaad, on en avait oublié qu'il s'occupait de la Culture et pas des pipôles.
Entre les ronds de jambes destinés à remettre des ordre du mérite à des saxophonistes aussi oubliés que pénibles (qui font subit les pires outrages à Dvorak) et le partage du gâteau de la pub sur le service public, on en oublie forcément de régler le problème crucial des intermittents, même de ceux qui n'ont jamais voulu de mal à Dvorak. On omet défendre les lieux et d'œuvrer à défendre les expressions artistiques de marge. On manque de prémunir ses concitoyens contre une invasion du mainstream. On néglige d'empêcher la Culture d'être un bien de consommation.
Résultat, quand on en revient aux fondamentaux, aux Molières comme dans tous autres endroit où la réalité du spectacle vivant peut se faufiler au milieu des petits fours, on se prend une sorte de réalité de la Culture... Même quand on est une bête de communication, les sifflets font sales dans le décor doré.
Encore une fois, il ne suffit pas d'être cultivé pour être un bon défenseur de la Culture.
Il ne suffit pas d'avoir des lettres et du goût, d'être fin et courtois. Il faut avoir envie d'être un passeur, de donner les moyens de s'exprimer aux plus minoritaires. Il faut désirer ne pas sanctuariser les lieux mais les ouvrir au peuple. Il faut prétendre laisser la place à la création dans les lieux d'Histoire, tout en en garantissant la pérennité et pas le bradage, tout en permettant l'interaction entre les disciplines...
Ce n'est pas ici qu'on va défendre les Inrocks. Depuis des années, de revirements en snobisme hype, ce journal a toujours détesté ce qu'ils adoreront le lendemain et porté aux nues du génie musicale des prépubères bourgeonnant sur trois accords minables. Ils ont formaté une pop médiocre et contribué à niveler les goûts.
La récente décision de ne pas donner les concerts organisés par le journal dans la cour du Louvre, voulue, selon les sources convergentes, comme on dit, par le Ministre de la Culture n'en reste pas moins une parfaite honte qu'il convient de dénoncer. Pas forcément parce que ça fait rêver de voir Mika au Louvre : le clinquant dans la cour du musée, ça peut faire ton sur ton. Pas seulement parce qu'annuler un concert au Louvre quand par ailleurs on fait sponsoriser les "Journées du patrimoine" par le nettoyeur haute pression préféré du petit président, c'est une posture ambivalente quant à l'image du lieu...
Non, s'il faut s'offusquer, c'est avant tout parce que selon Le Point le ministre aurait déclaré : "que l’on ne pouvait faire un concert le 18 juin, soit 70 ans après
l’appel du général de Gaulle".
Outre le fait que c'est un argument d'une rare inanité, on se demande ce qu'en aurait pensé Malraux, le gaulliste par excellence. Fermer un lieu de Culture au peuple par déférence aux princes... Pas sur qu'il apprécierait.
Mais ce ne sera pas la première fois dans la période récente !
Et une photo qui n'a strictement rien à voir (tant mieux pour elle !)