Higelin - Coup de foudre
Retrouver Higelin en album, c'est comme le plaisir de le voir en
concert. C'est le charme du familier inattendu, le plaisir de la folie
féconde, le constant travail sur la scansion et sur les mots, le groove
gouailleur et alcalin de celui qui est certainement l'un des plus
imposant poète vivant de cette langue qui n'en compte plus guère valides
et correctement nourris.
Higelin fait partie pour moi de la musique de l'adolescence ; la mienne,
il sera bien entendu... De celle où l'on prend plaisir à
l'ordonnancement des mots autant qu'à la chaleur de la musique... Que de
temps passé sur BBH75 ! Que de cassettes éraillées beuglant à qui
voulait l'entendre l'impérieuse nécessité de laisser le caviar pour les
autres ! Autant le dire, ce n'est guère aisé d'être objectif pour un
artiste auquel les deux seules choses à reprocher, c'est de nous avoir
laissé un peu orphelin dans le passage à vide des années 90, et un film
avec Claude Lelouch (ce qui est grave, certes, mais 35 après, plaidons
la prescription !)
On avait été ravi de retrouver un Higelin virulent et en pleine forme en
2006 avec un Amor Doloroso qui renouait avec une esthétique et une
attitude que l'on aime chez lui...
Coup de foudre, son vingtième album, est certainement le meilleur qu'il
ait sorti depuis plus de 20 ans, renouant dans des chansons comme
"qu'est-ce qui se passe à la caisse" ou "Août Put" avec ce lyrisme acide
qui était celui de l'album Alertez les bébés, entre funk porté à
incandescence et rock brisé par les vagues électriques. De la même
façon, retrouver les longues ballades de guingois où Jacquot fait montre
de son sens inné du piano, comme "New Orleans" ou "Valse MF", c'est un plaisir simple mais puissant...
Le génie d'Higelin, en connaisseur pointilleux de la musique, est
d'avoir toujours su s'entourer de très bons musiciens, Toujours à
l'écoute des mouvements pulsatils et régénérateurs, il
s'est toujours naturellement tourné vers des musiciens de jazz pour
concevoir ses projets musicaux.
C'est ainsi que sur Coup de foudre, on retrouve hormis le fidèle Mahut
aux percussions, des noms comme Eric Truffaz qui vient poser sa
trompette sur le beau "Expo Photo", ou encore et surtout Fred Gastard de
Melosolex, venu exposer ses saxes et notamment son baryton fiévreux sur la
plupart des morceaux (et notamment le magnifique "Kyrie Eleison" dont il
signe par ailleurs les arrangements), et le tromboniste Matthias
Malher, repéré entre autre chez Ducret ou chez Bruno
Regnier et qui fait merveille sur le piquant "New Orleans"...
On a envie de dire welcome back, mister Higelin... Mais était-il vraiment
parti ?
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...