Désanchantement
Billet où, malgré le titre, il ne sera pas question de Mylène Farmer, puisque "désenchanter" n'a rien à voir avec "chanter comme un démonte-pneu". Il sera plutôt question ici de l'air du temps, qui n'est certes guère plus harmonieux...
Le matin se fait chaque jour plus gris, ou laiteux de nuages pesants, qui laissent sur la ville comme une cataplasme de froid humide. Traverser le pont à pied est la certitude de croquer dans le brouillard comme dans une pomme farineuse, le dégradé triste du gris rendant de surcroit un peu mélancolique, même avec les oreilles protégées par la chaleureuse "Terre Arc-en-Ciel" d'Archimusic dont je suis entrain de m'imprégner pour Citizen Jazz.
Au loin, comme un fantôme dans le brouillard, j'ai une pensée un peu nostalgique pour Camille, sacrifiée pour que puisse rouler cette 206 tunée que l'on entend vrombir de toute sa vulgarité, même en aval du fleuve. J'aurai bien voulu voir ses éclats orangés dans cette nasse blanchâtre.
En lieu et place, au loin, ce sont les longs mats mercantiles de la Foire qui sont entrain de se monter, à peine un mois avant son début, preuve que l'affaire est rentable. Comme s'il n'en suffisait plus de la grisaille, voilà que les lumières entêtantes de la fête à neu-neu vont à nouveau déprimer les matins et empuantir les soirs... C'est plus populaire ? Pas certain lorsqu'on voit le prix qu'il convient de mettre dans des agrès toujours plus moches et clinquants, plus bruyants et plus émétiques. Plus flatte-couillon sans doute ; plus "bling-bling" dirait l'habitué des mots à la mode...
De chaque côté des rives, cette culture clinquante et outrecuidante prend de plus en plus de place, ou disons le, en réclame et enlève chaque jour de l'âme à la ville, jusqu'à la bonbonnière muséale qui fait la fierté du centre-ville, et la possibilité d'échanger régulièrement un こんにちは discret avec un touriste nippon...
Jusqu'au jour où à force de faire dans toutes les villes la même bouillasse architecturale vaguement sale derrière les pierres de tailles , le nippon préfèrera rester à visiter son bel archipel -ce que l'on comprendra- !
L'autre jour, sur une place où un hôtel ne sachant plus que faire de ses étoiles a annexé un vestige historique, une place ou je passais souvent mais que j'évite pour cause de terrasses belliqueuses et rétives au passage de poussettes, j'ai découvert qu'une boutique de luxe pour trumeau anorexique avait installé un "show-room" itinérant éclairé comme un sapin de noël psychotique. Une sorte de caravane du tour de France de l'apparence tarifée posée au milieu des vieilles pierres, comme une sorte de crachat sur "la Crise" qui touche plus bizarrement les cafés populaires que les bar-lounge des sortants d'école ou l'on apprends à penser comme des machines. Un "show-room". Show comme "on te montre et tu touches pas".
Sur cette place, il y a souvent des petites manifestations. Doit on dire "il y avait" ? Je me souviens d'un marché africain avec un concert qui n'a plus lieu , et une foire aux associations déplacée. Est-ce que cela a un rapport avec un hôtel de luxe et ses voitures en acajou qui tranchent avec les arbres chenus qui rendent la ville vivante ?
je n'ose y croire... Ou c'est que ma ville filerai un mauvais coton ; bien plus râpeux que celui qui encombre le pont dans les matinées tordues d'octobre... Et ce n'est pas la prochaine venue d'une radio périphérique sur ladite place, périphérique au sens sans doute qu'elle est âcre et bruyante comme une bande d'asphalte de dégagement urbain qui va améliorer la donne..
Et une photo qui bon, somme toute, a quelque chose à voir...