D!evrim - Hétérotopos
Un matin, dans la boite aux lettres, celle dans laquelle transite de
beaux disques comme les rivières ardéchoises charrient des truites
arc-en-ciel débonnaires, un disque du sextet D!evrim m'attendait.
Autant
que je l'attendais d'ailleurs, curieux autant qu'enthousiaste de
découvrir la musique du saxophoniste Evrim Evci, ci-devant citoyen
émérite de Citizen Jazz, et par ailleurs l'un des twitterers les plus
drôle de mon réseau, sous le truculent nom de @Legrosconnard (ce que je
lui envie).
Il est de ces gens que l'on ne connait que par la toile
et dont on sait reconnaitre une communauté d'idée et des affinités
électives ; il est de ce dicton anglais une vérité immuable : "Le vrai
gentleman, sais jouer de la cornemuse mais ne le dit pas". Evrim ne joue
pas de cornemuse -ou ne le dit pas- mais joue du sax soprano. Il a
raison Matthieu
Jouan dans CJ (bon, ok, il a toujours raison, le directeur de
publication...) : "On croit connaître les gens. On ne s’imagine jamais à
quel point leur
intimité est étrangère, mais perméable." J'avoue d'abord avoir été
surpris par la qualité des comparses d'Evrim sur ce disque : Antoine
Banville à la batterie, Sébastien Llado au trombone (et aux conques,
évidemment) autant d'ailleurs que par la qualité de l'enregistrement...
Je n'étais pas au bout de mes surprises. Je tiens à
dire que si le disque ne m'avait pas plus, comme tous les autres disques
que j'entends, il aurait fini dans les limbes du tiroir du dessous, au
milieu des déceptions 2010. On le rappelle : "La
liberté de blâmer se limite pour moi, en musique, au plaisir de ne
rien en dire."
Alors
pas de "copinage" ici.
Hétérotopos est un disque énergique et heureux d'être, servi par des
compositions, toutes écrites par Evrim, efficace,
pleine de simplicité et de clarté.
Dès les premières notes qu'égrainent
la contrebasse claire et très profonde de Marc Buronfosse, on découvre
un album marqué par une ouverture au monde, un cosmopolitisme qui picore
les influences sans perdre son identité. Si Hétérotopos est une carte
différente où le Nord semble ne pas être le point fixe, c'est que la musique
s'emplit de sud sans pour autant tomber dans l'ornière de l'ethno-jazz :
un peu de Balkan dans le Blues fiévreux de "Dans la nuit du 11 au 13",
quelques élans de Bouzouki sur "Zacatin"... Mais surtout beaucoup de
joie de jouer et de ce trouver ensemble cette musique...
Une musique libre et bien dans son monde porté par les constructions
pianistiques de Nico Morelli dont on reconnait la patte très italienne,
héritée de ses collaborations avec Fresu ou Rava... Mais qui fait
également immanquablement songer à Bojan Z dans le très Zulfikarpasicien
"Albissong". Sébastien Llado est également la clé de voute de cet
album, dans chaque morceau, il échauffe les compositions de son groove
jovial et intrépide.
Au milieu de cela, Evrim Evci semble gouter le plaisir de jouer ses
compositions et de s'entrelacer dans des chorus avec Max Pinto au ténor.
Son timbre au sax soprano est chaleureux et très rond, il s'affirme en
leader sans monopoliser la parole, préférant les chorus bouillonnant
d'un Rythm and Blues dégingandé dans le beau "Vera Fraise des Bois". Une
vraie réussite.
Et en plus, on peut obtenir l'album ici...
Et une photo qui n'a rien à voir.. C'est un peu comme ma boîte à lettre et l'été me tarde (suivez, un peu ;-) !)