Jean-Marc Padovani - Sketches
"Le jazz est une forme indocile" nous dit la pochette de Sketches, le nouvel album en septet du saxophoniste Jean-Marc Padovani, qui nous présente un line-up de rêve pour une revisite de standards américain des années 60 et des morceaux signés de son cru qui cite ou visite la même période.On sait cette période cruciale pour la création musicale en son ensemble et Padovani l'explore en tout sens pour mieux la mettre en lumière.
L'indocilité ici prend des formes luxueuses. Accompagné de la voix-instrument omniprésente de la grande Claudia Solal dont on ne dira jamais assez tout le bien qu'on pense d'elle en ces pages, Padovani convoque Dolphy et Coleman, rend hommage à Oliver Nelson et donne quelques Clins d'oeil de ci-de là avec un humour qui rappelle parfois les parti-pris de Laurent Dehors. Est-ce la présence d'un David Chevallier à la guitare et au banjo ? La reprise de "Les" de Dolphy enregistré sur "Outward Bound" fait penser au rouennais avec cette tirade au banjo qui évoque Django le temps d'une mesure avant de partir sur une orchestration délibérément vintage qui a le mérite d'appuyer sur la qualité des compositions de Dolphy.
"Les" est foisonnant et avec les "Eric'Sketches" qui le précède, il est le pivot de l'album, là où Padovani développe l'ensemble de ses idées, avec la basse lourde de Frédéric Monino, très marquée par le Jazz-Rock et les années 80 de Jaco Pastorius... C'est peut-être le seule reproche à faire à cet album, au niveau des sonorités, notamment ce "Si près, Si Loin" où les claviers de Paul Brousseau sonnent de manière très marqué. Mais on oublie cela vite lorsqu'on se concentre sur le morceau final, Oliver's dream à la virulence portée par la batterie de François Laizeau et l'acidité de Chevallier.
Quant à Claudia, elle rayonne. Elle joue de sa voix comme d'un instrument, mêle son timbre à ceux des deux saxophonistes dont le trop rare Bruno Wilhem à l'alto. Elle impose son univers dès "Seventeen West" de Dolphy (encore !) qui ouvre l'album et où l'on retrouve cette fraîcheur de ton et sa complicité avec les soufflants. De la même façon, le morceau "Complete Ornette" où les arrangements de Padovani font merveille pour rendre dans un mode tout à fait différent la rage du saxophoniste offre à Claudia Solal l'occasion de jouer de l'ensemble de son registre, du scat jusqu'au simple chant, quand elle ne cherche pas la stridence à la Minnie Ripperton sur "Cascade" d'Oliver Nelson.
Un album très riche avec de d'excellents musiciens ne se refuse jamais !
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...